Ce texte est extrait du Spécial RUE, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
Comment Big Bird a-t-il appris que son nom avait été mentionné dans l’un des débats de la dernière élection américaine? « J’ai reçu des millions de gazouillis », a-t-il répondu à Seth Meyers de Saturday Night Live, où il a été invité en octobre dernier après que Mitt Romney eut remis en question les subventions octroyées à PBS, le réseau qui diffuse Sesame Street depuis 1969.
La vérité, c’est qu’avec 93 % de financement privé, Sesame Street est l’émission la plus indépendante de fonds publics de la chaîne. Mais le sympathique canari de 8 pieds 2 n’allait pas en tenir rigueur au républicain. Il a plutôt habilement rappelé la place qu’il occupe dans le cœur de tous les Américains qui ont appris l’alphabet à ses côtés en faisant ce qu’il sait le mieux faire : conter des blagues assez subtiles pour plaire aux adultes, mais toujours adéquates pour les plus petits. Gazouillis, oiseau, la pognes-tu, Mitt?
Dans le ventre de Big Bird
À 79 ans, Caroll Spinney, l’homme à l’intérieur de Big Bird, est bien content de pouvoir encore jouer un oiseau de six ans. Au bout du fil, sa voix ressemble à celle de Big Bird, mais moins haut perchée. « Au départ, on avait imaginé Big Bird comme un grand maladroit. Ma voix était plus grave et je sonnais comme quelqu’un de stupide », dit-il, imitant une voix qui ressemble à celle de Barney dans Les Simpson. « Très vite, j’ai décidé que Big Bird représenterait un enfant de six ans débordant de curiosité, plutôt qu’un adulte intellectuellement déficient. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Un jour à la fois, j’ai rendu ma voix plus aiguë », m’explique-t-il, se transformant instantanément en Big Bird.
Encore aujourd’hui, il arrive à Spinney de donner son avis sur les personnages qu’il côtoie depuis 45 ans. « Parfois, certains auteurs imaginent Oscar comme un méchant, alors qu’Oscar n’a rien de malin. Il est irritable, un peu bougon, peut-être, mais il viendrait en aide à n’importe quel enfant en détresse », dit celui qui endosse également ce rôle depuis les tout premiers débuts, inconfortablement coincé dans une poubelle, le bras dans les airs. Incarner Big Bird n’est pas beaucoup plus commode : la mascotte est si grande qu’il faut actionner sa tête avec le bras droit bien haut.
A-t-il un biceps disproportionnellement musclé? « Non, j’entraîne l’autre pour compenser », révèle-t-il, précisant qu’il aurait peut-être besoin de s’entraîner un peu plus pour faire monter Big Bird sur un unicycle comme il le faisait il y a vingt ans. Pour l’aider à jouer son personnage, un petit moniteur à l’intérieur de son costume lui renvoie l’image que les enfants voient à la télévision. « Au début, je n’avais pas ce dispositif, se souvient-il. Si vous écoutez la première saison, vous verrez que Big Bird regarde n’importe où! »
Une réussite instantanée
Cela n’a pas empêché Sesame Street de remporter un succès phénoménal dès sa première année, en 1969. « L’audience était au rendez-vous dès le départ. On savait qu’on tenait quelque chose », se rappelle Lloyd Morrisett, le père de Sesame Street. À ce moment-là, 7 millions d’enfants regardent l’émission chaque jour. L’année suivante, Big Bird fait la une du magazine Time, qui déclare Sesame Street « meilleure émission pour enfants de l’histoire de la télé » et l’émission remporte vingt récompenses, dont trois Emmy.
Mais bien que Big Bird reçoive des montagnes de lettres, il n’a pas que des admirateurs. Plusieurs jugent que ce programme pour enfants contient trop de personnages féminins forts et trop de « gens de couleur ». Vingt ans avant la saison ethnique de Passe-Partout, une famille afro-américaine formée de Gordon et Susan occupe l’avant-plan de Sesame Street. C’est trop pour l’État du Mississippi qui, en 1970, décide d’en suspendre la diffusion. Mais ce qui choque plus encore que la mixité raciale de Sesame Street, c’est son décor : la rue.
Au lieu d’évoluer dans un paysage champêtre, Cookie Monster, Grover, Bert et Ernie se rencontrent dans cette rue assez trash pour qu’un monstre puisse sortir d’une poubelle cabossée. Cette ressemblance avec les rues du Lower East Side de New York est loin d’être fortuite. « Pour parler aux jeunes des quartiers défavorisés, nous devions leur montrer un environnement auquel ils pouvaient s’identifier, se souvient Lloyd Morrisett. Et l’environnement de ces enfants-là, c’était la rue. »
Lisez dans la suite dans le Spécial RUE, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
Illustration : Gabrielle Laila Tittley
Comment Big Bird a-t-il appris que son nom avait été mentionné dans l’un des débats de la dernière élection américaine? « J’ai reçu des millions de gazouillis », a-t-il répondu à Seth Meyers de Saturday Night Live, où il a été invité en octobre dernier après que Mitt Romney eut remis en question les subventions octroyées à PBS, le réseau qui diffuse Sesame Street depuis 1969.
La vérité, c’est qu’avec 93 % de financement privé, Sesame Street est l’émission la plus indépendante de fonds publics de la chaîne. Mais le sympathique canari de 8 pieds 2 n’allait pas en tenir rigueur au républicain. Il a plutôt habilement rappelé la place qu’il occupe dans le cœur de tous les Américains qui ont appris l’alphabet à ses côtés en faisant ce qu’il sait le mieux faire : conter des blagues assez subtiles pour plaire aux adultes, mais toujours adéquates pour les plus petits. Gazouillis, oiseau, la pognes-tu, Mitt?
Dans le ventre de Big Bird
À 79 ans, Caroll Spinney, l’homme à l’intérieur de Big Bird, est bien content de pouvoir encore jouer un oiseau de six ans. Au bout du fil, sa voix ressemble à celle de Big Bird, mais moins haut perchée. « Au départ, on avait imaginé Big Bird comme un grand maladroit. Ma voix était plus grave et je sonnais comme quelqu’un de stupide », dit-il, imitant une voix qui ressemble à celle de Barney dans Les Simpson. « Très vite, j’ai décidé que Big Bird représenterait un enfant de six ans débordant de curiosité, plutôt qu’un adulte intellectuellement déficient. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Un jour à la fois, j’ai rendu ma voix plus aiguë », m’explique-t-il, se transformant instantanément en Big Bird.
Encore aujourd’hui, il arrive à Spinney de donner son avis sur les personnages qu’il côtoie depuis 45 ans. « Parfois, certains auteurs imaginent Oscar comme un méchant, alors qu’Oscar n’a rien de malin. Il est irritable, un peu bougon, peut-être, mais il viendrait en aide à n’importe quel enfant en détresse », dit celui qui endosse également ce rôle depuis les tout premiers débuts, inconfortablement coincé dans une poubelle, le bras dans les airs. Incarner Big Bird n’est pas beaucoup plus commode : la mascotte est si grande qu’il faut actionner sa tête avec le bras droit bien haut.
A-t-il un biceps disproportionnellement musclé? « Non, j’entraîne l’autre pour compenser », révèle-t-il, précisant qu’il aurait peut-être besoin de s’entraîner un peu plus pour faire monter Big Bird sur un unicycle comme il le faisait il y a vingt ans. Pour l’aider à jouer son personnage, un petit moniteur à l’intérieur de son costume lui renvoie l’image que les enfants voient à la télévision. « Au début, je n’avais pas ce dispositif, se souvient-il. Si vous écoutez la première saison, vous verrez que Big Bird regarde n’importe où! »
Une réussite instantanée
Cela n’a pas empêché Sesame Street de remporter un succès phénoménal dès sa première année, en 1969. « L’audience était au rendez-vous dès le départ. On savait qu’on tenait quelque chose », se rappelle Lloyd Morrisett, le père de Sesame Street. À ce moment-là, 7 millions d’enfants regardent l’émission chaque jour. L’année suivante, Big Bird fait la une du magazine Time, qui déclare Sesame Street « meilleure émission pour enfants de l’histoire de la télé » et l’émission remporte vingt récompenses, dont trois Emmy.
Mais bien que Big Bird reçoive des montagnes de lettres, il n’a pas que des admirateurs. Plusieurs jugent que ce programme pour enfants contient trop de personnages féminins forts et trop de « gens de couleur ». Vingt ans avant la saison ethnique de Passe-Partout, une famille afro-américaine formée de Gordon et Susan occupe l’avant-plan de Sesame Street. C’est trop pour l’État du Mississippi qui, en 1970, décide d’en suspendre la diffusion. Mais ce qui choque plus encore que la mixité raciale de Sesame Street, c’est son décor : la rue.
Au lieu d’évoluer dans un paysage champêtre, Cookie Monster, Grover, Bert et Ernie se rencontrent dans cette rue assez trash pour qu’un monstre puisse sortir d’une poubelle cabossée. Cette ressemblance avec les rues du Lower East Side de New York est loin d’être fortuite. « Pour parler aux jeunes des quartiers défavorisés, nous devions leur montrer un environnement auquel ils pouvaient s’identifier, se souvient Lloyd Morrisett. Et l’environnement de ces enfants-là, c’était la rue. »
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Illustration : Gabrielle Laila Tittley