Quantcast
Channel: URBANIA
Viewing all 449 articles
Browse latest View live

Salon national de la pourvoirie de Montréal: «Ta bizoune est-tu prête?»

$
0
0

Ça joue du coude solide à la billetterie. Dépêchez-vous avant que ce soit sold-out. 


Les trois personnes qui sont officiellement entrées en dedans sont bien contentes de s’être fait souhaiter la bienvenue.


Sur place, plus de 150 pourvoiries sont présentes pour tenter d’essayer d’aller possiblement chercher des clients. 

Désavantage notable de celle-ci : tu dois choisir entre y aller en hydravion ou avec un de tes parents.


Peu importe ce qu’essaieront de vous dire les statistiques : tirer un orignal avec un arc-arbalète >


Curieusement, tout le monde semble se calicer de ce kiosque.


Nouvelle administration : synonyme universel de «avant c’tait d’la marde».


En affichant sa tendance masculiniste, cette pourvoirie préfère mettre les choses au clair en partant.


Véritable brute dans le monde de la chasse, le pourvoyeur Réal Massé se sert de sa gracieuse moustache retroussée sur les bords comme outil de marketing. Brillant.



Même les zèbres ont pas le choix de plier face à un swag aussi relevé.


Pour éviter de s’embourber devant les salonneux, ce commerçant n’a pas pris de chances et s’est dressé une liste de mots-clés à ne pas oublier. Ingénieux.


Tendance forte chez les pourvoyeurs du Salon : les albums avec des photos prises par des clients. 

Si vous êtes chanceux, le gars au kiosque va même se faire un plaisir de vous expliquer le contexte : «Ça, c’est un de mes clients qui a ouvert son barbecue pis qui est tombé sur un écureuil. Y’en revenait pas calice ! Un écureuil !»


Autre tendance : les photos avec des pêcheurs comblés.



Des grosses prises pour des gros bonhommes. 


Bravo bébé !!!!!


Côté chasse, la mode, c’est les animaux empaillés. En voici une gang qui chill ensemble.


Oubliez les ours à 92% : les ours complets, c’est vraiment plus nice.


L’étendage de fourrure, c’est cool en tant que tel. Pas besoin de s’arranger pour que ce soit beau.


Très prudent, cet homme a décidé de tenir son chien en laisse pour éviter qu’il se fasse gunner pis éviscérer dans une boîte de pick-up par une gang de chasseurs carnassiers et sans scrupule.


Aubaine à ne pas manquer.


Ornée par une sélection botanique impressionnante, la section des bateaux attire l’attention.


L’occasion est donc parfaite pour passer une couple d’heures à jaser, ben assis dans une embarcation à moteur. 

«Y’a une barge de 40 pieds, cet esti-là», s’indigne vivement un homme à casquette. «En plus, il vient de La Tuque !» 


Véhicule idéal pour remporter l’édifiante Descente pas d’allure du légendaire Babu. 


Ex aequo avec lui :


Au fond de la salle, les conférences battent leur plein. Les titres ont le mérite d’être clairs.


17h48 : un représentant d’Orientation Azimut nous parle de GPS avec un franc-parler déconcertant. «Vous devez mettre l’option ‘’précision’’ sur toutes vos pages pour vous éviter de taponner sur votre GPS !» dit-il, la main dans les airs en guise d’intensité. 


En exclusivité : l’arrivée remarquée d’un homme qui ose s’asseoir dans l’une des quatre premières rangées.


Pas de quoi impressionner cette débarbouillette qui a trouvé une bien meilleure place : drette sur le trépied à côté de la scène.


En plus de nous parler en direct, le représentant d’Orientation Azimut est au cœur de l’action d’une trépidante bande dessinée. 


Un peu plus loin, le kiosque de l’entreprise épate grâce à son infographie novatrice.


Même chose ici, avec cette affiche qui rendrait sans doute jaloux les producteurs de Fast and Furious.


De son côté, ce kiosque attire l’attention par son slogan original.


En primeur, la mode vestimentaire 2015 dans le monde de la pourvoirie :




En primeur, ça :


Vers 18h30, la cafétéria se remplit pas pire, malgré la pointe de pizza à 6,50$.


Reste que le king de la bouffe, c’est ce gars-là avec ses mini-brochettes de sanglier et de bison grillées à 2$. 

Impatient de recevoir son festin, un génie s’exprime avec singularité. «Hey ! Ta bisoune est-tu prête ? J’veux manger de la bisoune !!!!»


Plus ambitieux, cet homme propose un menu qui a pas vraiment l’air bon.


Jeu de mots de l’année ?


En tout cas, l’an prochain, «forêt» tous que vous y alliez, vous aussi, à ce merveilleux salon, ne serait-ce que pour vous ramasser cinq-six menés dans le merveilleux étang de pêche.



Crédits photos : Olivier Boisvert-Magnen et Julie Mathieu

Valentin en prison

$
0
0
Ma blonde me parlait de « 50 shades of Grey ». Je sais pas si elle parlait du film, ou du vin. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat sera le même : elle aura les mains baladeuses dans l’auto, mais va s’endormir en arrivant à la maison.

Ça reste une St-Valentin joyeuse. Cupidon serait fier que j’honore sa journée comme ça. Vous savez, Cupidon, le petit archer nain en couche…

La St-Valentin est moins joyeuse pour plusieurs gens autour de moi. Pour eux, c’est plus difficile, sortir. Quand t’es en dedans, tu peux pas sortir. Pour le commun des mortels, je suis un agent de services correctionnels. Pour le citoyen moyen, je suis un gardien de prison. Pour la vaste partie de ma clientèle, je suis un screw. Pour les autres, je suis Jo. Je suis bon, là-dedans, être Jo: j’ai quand même une trentaine d’années d’expérience. Pour ma job, j’en ai sept.

Je travaille dans un secteur particulier : avec les prévenus. Eux, c’est ceux qui attendent leurs procès respectifs. Avec le système de justice qu’on a, c’est parfois plus long que certaines sentences à vie.

Des fois, les procès sont une formalité pour prouver leur culpabilité. Mais dans un état de droits, on est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. Contrairement à une émission de téléréalité, où tu es innocent à tout moment.

Mais ça arrive aussi que, pour des questions de sécurité, on détienne quelqu’un en attente d’un procès où il sera éventuellement prouvé innocent. Comme Raymond. (Raymond, ce n’est pas son vrai nom. C’est un nom d’emprunt. Soit parce que je n’ai pas une bonne mémoire. Soit parce que je n’aime pas me baigner dans le fleuve avec des flotteurs en ciment.)

J’ai reçu Raymond dans mon secteur pendant l’hiver. Je m’en souviens parce que dehors, il neigeait. De la poudreuse. Et il arrivait entre nos murs pour trafic de poudre. Belle ironie du sort.

Raymond se disait innocent. Innocent par opposition à coupable. Pas le genre d’innocent qui pense que Joël Legendre organise vraiment des combats de chiens.

Raymond disait ça. Comme tous les autres. Mais lui, il avait quelque chose dans le regard. Un fond de vérité possible.

Généralement, chaque prévenu qui s’autoproclame innocent arrive et, par le plus heureux des hasards, retrouve de vieux amis, aussi innocents que lui, prouvés coupables du même crime. Mais ils n’étaient pas complices d’une même organisation. Oh non! C’est le fruit du hasard. À chaque fois. 7-8 fois par semaine. Toujours le hasard.

Mais Raymond, lui, quand il est arrivé, il s’est terré dans son coin, ne parlait à personne, ne cherchait pas le trouble, ne cherchait pas à s’allier comme dans les films américains.

Mais au Québec, nos prisons ne sont pas comme dans les films américains. Il n’y a pas de roulottes de visites conjugales. Et c’est ça qui faisait le plus mal à Raymond. Il avait autour de 30 ans. Il avait une blonde. Ils venaient d’avoir un bébé, quelques mois avant. C’était sa première St-Valentin sans sa petite famille. Ça avait l’air de le faire souffrir. Ça se voyait à sa façon de fixer sa petite photo de famille qu’il avait collée au mur de sa cellule. On permet ce genre de décoration. Ça donne un peu d’espoir. Ça rappelle qu’il y a une vie en dehors des murs. Une lumière au-delà de l’ombre. 

On n’a pas de roulotte, mais il y a des visites, à l’occasion, qui sont possibles. La St-Valentin en est une. L’amour, c’est ce qui distingue l’Homme de l’animal. C’est important de lui rappeler. Surtout quand l’homme est gardé en cage. Ça évite de virer fou.

Une semaine avant la St-Valentin, des drones ont survolé la prison. Des drones, c’est de petits hélicoptères. Pas les robots de Darth Vader. Des petits hélicoptères téléguidés qui ne font pas de bruit et viennent déposer des colis entre nos murs. Généralement de la drogue. Ou n’importe quoi qui se  vend bien.

En réponse à cet événement, le directeur a décidé de couper les privilèges de tous ceux qui étaient liés de près ou de loin à des histoires de trafic de stupéfiants. Dont Raymond.

Le fond de vérité qu’il avait dans ses yeux avait laissé place à du désespoir. Il ne pouvait pas voir sa douce et son enfant, à la St-Valentin.

Je me suis mis à avoir un peu peur pour lui. Quand le désespoir et/ou la peur prend trop de place dans les yeux d’un client, il choisit parfois de s’évader. Et je ne parle pas d’escalader une clôture ou d’un plan avec un vrai hélicoptère.

À chaque jour, je faisais ma ronde. À chaque fois, je voyais la détresse d’un père absent. Heureusement, ou malheureusement, pour le bébé, il était trop petit pour comprendre le monde dans lequel il vivait. Autrement, comment expliquer à un enfant que « papa, il a pas le droit de t’aimer le jour de l’amour ».

Finalement, le 14 février, on a reçu des ordres d’en haut. Les charges posées contre Raymond ont été levées. L’enquête avait su démontrer qu’il avait réellement été « framé ». C’était un coup monté contre lui. C’était à moi d’aller le libérer. Quand je lui ai dit qu’il pourrait aller rejoindre sa famille, chez lui, ses yeux étaient plus loquaces que jamais. Je n’ai jamais été aussi fier de débarrer une porte de ma vie. Le poids des démêlés avec la justice était maintenant futile. Il avait gagné. Il avait regagné sa famille. Une victoire pour l’espoir. Une victoire pour la justice. Une victoire pour l’amour. 

Il est fort, ce petit archer nain en couche.

Le centre d’achats du mois : le Centre Jacques-Cartier

$
0
0
Ici, le king, c’est le Méga-Plex Guzzo 14, et ça se voit tout de suite en rentrant dans le stationnement vu qu’il est en forme de vaisseau aérodynamique à quatre fusibles. 


Un prince à ne pas négliger : le Village des valeurs. Pour les sections, l’administration y est allée de façon très simple pour être certaine de pas trop mélanger ses clients. Pour faire une histoire courte, les petits articles sont en avant, pis les autres gros sont au fond.


Comme d’habitude, les compositions architecturales proches du backstore ont de quoi impressionner. 

Simple et élégant.


Conseil déco-audace 2015 : n’hésitez pas à prendre vos répliques de Jenga comme abat-jour.


Tout le monde est content de venir passer son vendredi après-midi au Village des valeurs, même Wayne Gretzky qui, pour l’occasion, a sorti son plus beau visage niais.


Faire réchauffer son rôti de porc dans le micro-ondes <  Faire cuire son rôti de porc dans le micro-ondes. 


Autre classique incontestable des centres d’achats de prestige : le Rossy. Sans doute inspirée par son comparse cinématographique juste à côté, l’institution italo-montréalaise mise ici sur un gracieux décor rétro-futuriste.


L’infaillible stratégie marketing du Rossy prend place au Centre Jacques-Cartier, à travers ces fameux «WOW!» qui surplombent les étiquettes.



Pour donner l’impression que cette commode brune coussinée aux tiroirs en tissu vaut réellement 200 piasses, les boss du Rossy ont sorti la belle nappe blanche en dentelle fleurie.


Ce qui est l’fun avec cette chaise-là, c’est que le client peut choisir entre la payer 33$ ou 27$ plus cher.


Ce qui est l’fun avec cette plante-là, c’est qu’elle s’harmonise parfaitement avec des chaises en cuirette à 93 piasses.


Vu que Pâques approche, les gens commencent à penser à leur réception, en magasinant allègrement au Dollarama. «Des bols, ça va en prendre beaucoup parce que les gens vont manger des chips pas mal tout le long. Ça va être ça leur souper», signale une femme à son mari, en regardant cet attirail de bols.


Au Ardène, c’est la grosse folie parce qu’un nouvel arrivage de linge à la mode vient de débarquer. Les boites vides vont sans doute niaiser là jusqu’à temps que le boss se tanne.


Tendance hiver-printemps 2015 : être cool.


S’il y a une affaire qui est justement «cool» au Centre Jacques-Cartier, c’est bien l’ambiance de la cour alimentaire. À part le fait qu’on pourrait organiser un tournoi de volleyball en plein milieu, l’espace est utilisé avec parcimonie.


En fait, y’a tellement de place dans les allées du Centre que même les chandails ont leur propre aire de repos.


Cette dame a complètement perdu le sens des priorités en détournant malencontreusement son regard du Méga-Plex 14. Une attitude indigne, considérant la splendeur de ses néons bleus et le charisme de son guichet ATM, dont les frais de transaction spectaculaires sont à la base même du triomphe économique de son valeureux propriétaire, le non-lamentard Vincent Guzzo.


Beaucoup d’autres personnalités québécoises ont leur pied à terre au Centre Jacques-Cartier, à commencer par Mitsou et Serge Fiori.


Légende urbaine : ce nettoyeur était auparavant la propriété de la sœur de Lise Dion. 

Les vrais savent.


Les vrais savent aussi qu’au Centre Jacques-Cartier, Indigo, c’est pas une librairie, mais bien une tabagie. En hommage au Ardène, le magasin propose une décoration style «entrepôt» où les bacs de plastique s’agencent avec brio aux boites de carton pitchées à bon escient un peu partout.


La Tabagie Indigo mise aussi sur une approche DIY qui consiste à coller les uns aux autres des bouts de feuilles blanches découpés aléatoirement.


Une logique implacable signée Jimmy.


Côté logique, ce magasin de linge ne laisse pas non plus sa place en annonçant que, pour une dernière semaine, il paie les taxes aujourd’hui.


Dans le tronçon droit du centre d’achats, certains magasins attirent l’attention par leur nom rapide et audacieux.



En espérant que ce fabuleux logo trouvera preneur avant la fin du bail.


Malheureusement, le seul et unique magasin de liquid paper au Québec a dû fermer ses portes…


Au sortir, la politesse du centre d’achats est appréciable, tout comme son délectable slogan, qu’on se désole de découvrir aussi tardivement.


Aperçu du parking de l’autre bord, où un enfant semble jouer au roi de la montagne tout seul.


Jacques Cartier aurait été fier, sans aucun doute.

Magislain, magicien pour enfants

$
0
0
Être magicien pour enfants, c’est moins glamour qu’être Luc Langevin, mettons. Qu’est-ce que tu aimes là-dedans?

Les gens pensent que c’est facile parce que c’est avec des enfants, parce que les gens pensent que c’est facile d’impressionner un enfant, mais c’est pas vrai. Nous souvent on pense trop loin alors qu’un enfant peut voir ton truc parce qu’il ne se pose pas 6000 questions. En plus, s’ils trouvent ça plate, ils n’auront pas la politesse de faire à semblant d’aimer ça. Ils vont s’en aller! Beaucoup de collègues m’admirent d’avoir le tour avec les enfants. 

Ça te vient d’où? 

C’est avec eux que j’ai commencé. Avant, j’étais éducateur en service de garde et une fois, lors d’une de mes nombreuses pauses, je suis tombé sur un DVD de magie au centre d’achat. T’as beaucoup de pauses quand tu travailles en service de garde et pendant mes pauses, je pratiquais mes trucs pour impressionner les enfants. À leur retour, ils capotaient. J’ai trouvé ça vraiment le fun la magie et à un moment donné, après avoir fait plusieurs spectacles dans des écoles et dans des fêtes d’enfants, j’ai décidé de ne faire que ça. Aujourd’hui, je donne aussi des cours de magie dans les écoles. 

Ok, maintenant, parlons de ton… nom.

Ouin, je sais que c’est un jeu de mot facile, à la limite quétaine. L’autre jour, un ami m’a dit que Louis-José Houde riait de mon nom dans une de ses capsules. Le pire, c’est que les enfants ne comprennent pas tant le jeu de mot parce qu’ils n’ont pas la référence de mon prénom. Alors quand ils disent à leurs parents qu’ils ont vu un magicien à l’école et qu’ils voudraient le recevoir pour leur fête ils disent que je m’appelle «Magicien». Et là les parents me cherchent sur Internet et, évidemment, ils ne tombent pas sur moi!

Est-ce que tu trouves ça difficile de travailler surtout pendant que les gens font la fête? 

Non! Moi, je travaille beaucoup dans le temps des fêtes et je trouve que c’est la plus belle période. Premièrement parce que ça me donne du travail, mais aussi parce que les gens sont déjà disposés à voir un spectacle de magie, ils sont déjà dans la magie des fêtes. J’emmène ma famille dans les hôtels de la province et c’est ça notre Noël. 

Le « lobby » qui veut faire taire la nuit à Paris

$
0
0

« Ce qu’ils sont ? Des aigris, des grincheux, des pétainistes. » Aïe ! Jean-Bernard Meneboo, représentant du bar Le Cox à Paris, l’a mauvaise quand StreetPress lui demande ce qu’il pense de l’association « Vivre le Marais ! ». La pilule n’est toujours pas passée dans son équipe, gérante d’un micro-empire de clubs gay dans le Marais. Car en janvier, l’association de riverains « Vivre le Marais ! » a réussi son plus beau coup en faisant annuler leur permis de construire pour l’ouverture d’une boîte de nuit, rue Pierre-au-Lard (4e arrondissement). Un joli projet qui devait faire danser sur 350 mètres carrés et qui sonne comme une nouvelle défaite pour les proprios d’établissements de nuits. Et ce, au moment où ils sont toujours aussi nombreux à dénoncer le poids des associations dites « de riverains » sur la vie nocturne parisienne.

Car la situation est toujours aussi tendue à Paris entre résidants et noctambules. En 2010, la mairie de Paris avait lancé ses Etats Généraux de la Nuit, censés concilier amateurs de gin tonic et de verveine. Une réaction au beau succès de la pétition « Quand la nuit se meurt en silence », qui avait recueilli 17000 signatures. Initiée par des clubbeurs et des pros du milieu, elle dénonçait « la loi du silence généralisée » qui transformait Paris « en ville morte. »

Leurs résultats : Des fermetures de bars à gogo

Mais deux ans plus tard et malgré plusieurs initiatives, comme les étonnants Pierrots de la nuit (des clowns qui demandaient aux noctambules de faire « chuut ») c’est toujours la guéguerre. En janvier, ce sont 5 bars dans la rue du Faubourg Saint-Denis (10e arrondissement) qui ont encore connu des fermetures administratives pour tapage nocturne, après les très populaires Zéro Zéro (11e) ou le Point Ephémère (10e) les mois précédents. Encore plus fort : Depuis juin 2011 dans le quartier de la Butte-aux-Cailles, très fréquenté par les étudiants universitaires, un arrêté préfectoral (NDLR: l'équivalent français d'un règlement municipal) interdit toujours la consommation d’alcool dans les rues à partir de... 16 heures. « Une mesure digne des mormons! », s’offusque Francis Combrouze, pourtant adjoint au maire du 13e et farouche opposant au règlement.

Leurs méthodes

Joint par StreetPress, Ian Brossat, président du groupe communiste au Conseil de Paris qui avait poussé les « Etats Généraux de la Nuit », est catégorique : c’est d’abord à cause des associations de riverains que toutes ces décisions sont prises et que Paris devient « une ville musée ». Armelle Trouche, à la tête d’une association créée en réaction à l’arrêté de la Butte-aux-Cailles, fulmine, elle, contre « un petit lobby » dont elle dénonce « les méthodes de harcèlement »:  

« Ils écrivent, ils écrivent, ils écrivent! Au maire, à la préfecture! Les gens de la mairie en privé, ils nous disent : “Ils nous emmerdent, on n’en peut plus”. Mais en public, ils ne font rien. » Les buveurs d’apéro sont persuadés que la mairie est à plat ventre devant « lobby », trop soucieuse de perdre les voix de ces résidants « à forte capacité de nuisance ». Comme lorsqu’ils mettent aux fenêtres de leur propriété d’immenses banderoles pour dénoncer la qualité de vie du quartier.

Devant son expresso matinal, Anne Penneau, boss de l’association des résidants de la Butte-aux-Cailles, n’est pas peu fière d’avoir « participé pendant presque un an au travail d’enquête de la préfecture » qui a abouti à la mise en place du fameux règlement interdisant la consommation d’alcool dans le quartier à partir de 16 heures. Celle qui est aussi prof de droit, d’expliquer qu’ elle constitue depuis 10 ans « des dossiers » contre les bars. Avec dedans des photographies d’attroupement et surtout les mesures au sol des terrasses.

Des petits dossiers envoyés au tribunal dont Idris Boukhtouche, patron depuis 22 ans de la Taverne de la Butte, s’estime être la victime : « Il y a eu plus de 4 procès. Ce qui monte au moins à 8 ou 10 avec les appels ! »


En tout, ce sont plus d’une dizaine de bars de la Butte-aux-Cailles qui ont été convoqués au tribunal suite aux plaintes de l’association. Une des plus belles victoires d’Anne Penneau : Avoir réussi à faire fermer la terrasse d’Idris parce qu’elle s’étendait sur un trottoir trop petit de… 1 centimètre par rapport au règlement. Et ce, malgré un avis favorable de la mairie.

« Ce n’est pas du pinaillage! Et puis de toute façon des terrasses de 0,60 centimètres comme autorisé aujourd’hui, c’est beaucoup trop grand », se justifie la quinquagénaire.

Idris, qui a dû « gratter son mur », pour réinstaller une terrasse, envisage de porter plainte pour « harcèlement » devant « l’acharnement » de Mme Penneau.

S’endormir un samedi soir à Paris avant 1 heures du mat’ peut effectivement relever de l’exploit dans certains quartiers. L’association de résidants Accomplir a mis en ligne des textos de voisins envoyés à des gérants de bars qui sentent bon le coup de carabine à plombs à cause du manque de sommeil :

« Faites taire ce connard de barbu : qu’il nous fiche la paix et vous aussi ! » ou encore: « Méfiez-vous des riverains : on en a juste marre de vous, ça va très mal se passer. »

Ambiance assurée... Car si certaines associations de résidants en font trop, les patrons de bars qui font payer 8€ la pinte ne sont pas des anges non plus.

Mais c’est un projet messianique qui dépasse largement le sujet du tapage nocturne que portent certaines associations de riverains. Anne Penneau, par exemple, de se voir comme « le jardinier qui prend soin des arbres, pas pour lui, puisqu’il va mourir, mais pour les générations futures. » Une bataille qui se mène pêle-mêle contre « la mondialisation » :

« On est inféodé à une concurrence mondiale quand on nous dit que Paris n’est pas assez attractif par rapport à Berlin. »

...Et aussi contre la finance :

« En ces temps de crise, il faut mieux que les gens se bourrent la gueule plutôt qu’ils réfléchissent. »

Un discours à la limite de la paranoïa qui ressurgit quand il est question des pouvoirs publics :

« Ils parlent tous d’une même voix ! La police, la mairie, les gens d’affaires. C’est évident qu’ils marchent ensemble! Ils ne veulent pas qu’on touche à leurs espoirs de poule aux œufs d’or. »

Un petit noyau de résistants face à l’empire de la mondialisation... C’est d’ailleurs en parodiant le village d’Astérix, qu’Anne Penneau présente son association dans ses tracts.

Extrémistes

« Le problème, c’est qu’il y a un certain nombre d’extrémistes qui ont un point de vue inconciliable avec un peu de conversation », se désole Francis Combrouze de la mairie du 13e arrondissement, longtemps correspondant municipal dans le quartier de la Butte-aux-Cailles. Ian Brossat, qui vient d’être débouté dans une affaire de diffamation contre l’association de riverains Accomplir, fait lui valoir qu’il n’y a pas de « réelle procédure contradictoire » quand ces collectifs déposent plainte :

« C’est l’arbitraire qui règne sans que les gérants aient leur mot à dire. »

Car c’est au « jugement des agents de police » que sont distribués les contraventions qui peuvent entraîner les fermetures forcées. Joint par StreetPress, Serge Quilichini, commissaire du 13e arrondissement, explique être soumis à une forte pression puisque « systématiquement, ce sont presque toujours les mêmes personnes qui nous avisent chaque week-end. Et souvent après coup, avec des photos. » Et les décisions sont « compliquées » à prendre, compte tenu de la difficulté de mesurer les infractions liées au bruit.

« Une des solutions, ce serait de condamner l’abus de recours aux numéros d’urgence pour tapage nocturne », propose Ian Brossat qui fait référence ici à une proposition de loi de décembre 2011 de la députée Socialiste de Paris, Sandrine Mazetier.

Combien sont-ils? 

Mais c’est surtout la légitimé de ces associations hyperactives qui est remise en question par les activistes de la nuit. Car quand ils ne gonflent pas le nombre de leurs membres, c’est le flou le plus total sur leur poids. Anne Penneau revendique 200 adhérents dans l’association des riverains de la Butte mais refuse d’apporter la moindre preuve. Un chiffre qui amuse beaucoup Armelle Trouche, militante anti-règlement municipal :

« C’est un tout petit groupe. Elle, elle présente bien : elle est plutôt belle femme, une prof de droit. Mais autour d’elle il n’y a que des vieux avec un discours incohérent! »
Encore plus cocasse, « Vivre le Marais ! » clame réunir 1 600 riverains. Mais dès que l’on creuse la lecture des comptes-rendus de conseil d’administration, consultables à la mairie, le responsable de l’association n’évoque plus qu’un « ordre de grandeur estimé ». Il explique aussi avoir recours à des « adhésions collectives » d’un conseil syndical, qui comptabilise de facto tous les habitants d’une copropriété.

Le responsable de l’association « Vivre le Marais! » n’en dira pas plus sur son nombre d’adhérents mais continue à se poser des questions métaphysiques sur les us et coutumes des jeunes d’aujoud’hui :

« Intellectuellement j’ai beaucoup de mal à comprendre les gens qui achètent un pack de bière et le boivent sur un banc dégueulasse. »
Jean-Pierre Meneboo, représentant du Cox, insiste lui sur les intrigues personnelles, qui sont parfois à l’origine de ces guerres de voisinage : « Yvon Le Gall était surtout un ancien habitué d’un de nos établissements. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. » 

D’ailleurs, Le Gall, porte-parole de « Vivre le Marais ! » est aussi le boss du syndicat de copropriétaires de l’immeuble du Cox. Et c’est contre les établissements de l’équipe de Meneboo que se concentrent les plaintes de son association.


Salon de la moto de Montréal : vitesse, flammes, cuir

$
0
0
Sur place, on apprend qu’en ce vendredi soir du Salon, c’est la très attendue «Soirée des femmes» qui bat son plein. Pour souligner l’évènement, les organisateurs ont cru bon attirer la gente féminine avec une affiche de concours aux teintes roses collée sur le plancher. Gracieux.


Seul problème: pas beaucoup de femmes dans le Palais des congrès malgré tous les efforts déployés par le Salon. Une bonne partie d’entre elles sont rassemblées aux alentours de ces deux kiosques au rose prédominant.



Tenue tendance 2015 pour les trippeuses de vitesse.


Autre composante particulière de cette très étoffée soirée féminine : cette moto sensuelle de type talon haut. «T’es mieux de pas t’accrocher les culottes dedans», précise un habitué de la place à sa fille. 


Les motos pleuvent partout dans le Palais. Des modèles vintage attirent l’attention, notamment celui-ci au side car novateur.


En plus d’avoir influencé la pop américaine avec son nu-disco, Daft Punk peut se vanter d’avoir inspiré les mouvances actuelles dans le monde bien sélect des confectionneurs de casques de moto. 


Souffleuses, scooters, motocross, VTT… On se rend rapidement compte que le Salon ratisse large. Du lot, ce véhicule impressionne. 


Grosse section de motos à trois roues (aka spyders) au fond. On apprend que la confrontation est bien réelle entre les motocyclistes et les sypderistes. «C’est sûr que c’est deux cliques différentes», explique un préposé. «Tu diras pas que tu fais d’la moto si tu fais du sypder… C’est sûr que tu vas t’le faire dire !»


Engouement unanime pour la valeur ajoutée du Salon cette année : le jump start du projet de moto électrique LiveWire de Harley Davidson. Ce gars-là sait faire runner la patente comme il faut.


Aperçu des personnes considérables repérées lors de ce prestigieux Salon. N’hésitez pas à vous tagguer.





Moment tendre entre cet homme et ce pneu de motocross. Touchant.


Moment tendre entre cet homme et son reflet dans le rétroviseur. Émouvant.


Beaucoup de kiosques méritent qu’on s’y attarde. Celui-ci transpire la VITESSE.


Véhicule expérimental aux composantes multiples.


Nouveauté chez Cuir Dimitri : des boîtes décrissées les unes sur les autres.


S’il y a bien une affaire que Terminator n’aurait pas mis, c’est bien un petit casque légal.


Malgré toutes ses démarches insistantes, cet oreiller n’est pas capable d’avoir un service convenable. Dommage.


Trouvex l’erreur.


Meilleur ET pire jeu de mots du Salon.


Loin d’être lamentard, le frère à Vincent Guzzo est sur le gros business de motos de luxe. 


Malgré l’ambiance contagieuse qui y règne, ce kiosque demeure très impopulaire. À n’y rien comprendre…


Discussion animée entre trois chaises.


Même s’ils n’ont pas de moteur sur leurs bikes, les trialistes donnent un show au fin fond du Salon sous le regard d’une gang de curieux. 

Aperçus convaincants :


Les échos se multiplient au sortir du Palais des congrès. «Demain soir, on s’en va dans une cabane à sucre, fait qu'à soir, on va prendre ça relax. M’a prendre mon petit sirop pis m’a me coucher après», nous apprend notamment un salonneux. 

Une cabane à sucre le 28 février ? Discutez.

Photos iPod Touch™ 5 et vidéos: Olivier Boisvert
Photos caméra jetable: Didier Charette

La mosquée collée à la synagogue

$
0
0


Bienvenue au Kremlin-Bicêtre, son hôpital, son fort et... ses lieux de cultes. Dans la rue John Fitzgerald Kennedy, aux numéros 35 et 41, c’est une situation peut-être inédite en France : la mosquée et la synagogue de la ville se partagent la même parcelle. L’entrée dans les deux lieux de cultes se fait bien par deux portails distincts, mais la cour de la mosquée n’est séparée de la synagogue que par une fine palissade de tôle.

Vendredi 20 septembre, il est 21h30 quand des fidèles en djellaba sortent de leur salle de prière en préfabriqué. Pendant qu’ils se rechaussent dans la cour de la mosquée, ils entendent résonner le tintement des couverts et le brouhaha des conversations de leurs voisins juifs religieux. De l’autre côté du mur, ces derniers partagent un repas en plein air pour célébrer le deuxième jour de la fête de Soukkot.

Devant une anisette et une salade de poivrons marinés, le chef de famille de la tablée des Bensoussan* est d’humeur taquine : « Dites que le problème ici, ce n’est pas la mosquée mais bien la famille Chekroun* ! » Il désigne la table des voisins où une dizaine de convives déguste un saumon : « Regardez-les ! Les Chekroun, ils prennent beaucoup plus de place que la mosquée ! Ça, c’est un problème ! »

Ici, tout le monde est d’accord, « tout se passe très bien » entre voisins juifs et musulmans. Le gardien de la synagogue vante « la politesse » des fidèles de la mosquée qui « souhaitent de bonnes fêtes » quand ils se croisent sur le perron du petit centre communautaire. Tandis qu’au sortir de la mosquée, un dévot musulman arborant une barbe fournie se félicite du « respect » de ses « cousins germains » juifs à qui « il n’a rien à reprocher ». Avant d’ajouter, le regard amusé :

« Quand il y a beaucoup de monde pour les fêtes, on gare les voitures les uns à côté des autres. »

Une mosquée et une synagogue sur le même terrain : voilà le fruit d’une expérience de la municipalité MRC du Kremlin-Bicêtre. Joint par StreetPress, Jean-Marc Nicolle, 1er adjoint au maire depuis 1995, revendique la paternité de cette « proposition ambitieuse » :

« Un jour, j’ai dit au maire : “Cela va peut-être paraître complètement ubuesque mais pourquoi on ne construit pas la mosquée à côté de la synagogue? C’est le seul espace que nous avons et symboliquement c’est important pour montrer qu’ici, on n’importe pas les conflits”. »

Mais si le projet a pu voir le jour en 2007, d’après Jean-Marc Nicolle, c’est surtout grâce aux deux représentants communautaires, « deux hommes modérés qui se sont laissés convaincre facilement ». Joint par StreetPress, Albert Myara, président de la communauté juive du Kremlin-Bicêtre, assure avoir « dit “banco” tout de suite après le coup de fil du maire » :

« Il faut qu’on coexiste, on n’a pas le choix. Une mosquée à côté d’une synagogue, c’est un pari sur l’avenir ».

Des propos repris de concert par Mohammed Khodja, 50 ans et représentant des musulmans, qui insiste, lui, sur « les valeurs de la République » et « le vivre-ensemble qui doit primer sur tout le reste ». Le chirurgien de profession tient aussi à rappeler que l’imam qu’il a choisi est « assermenté par la Grande mosquée de Paris ». Dans sa bouche, un gage de sérieux et de modération.

C’est pourtant sur le terreau de la bêtise que cette situation, présentée aujourd’hui comme « un modèle » par la mairie, a pu voir le jour. Le 5 avril 2002, un cocktail molotov est lancé en pleine nuit contre la synagogue du Kremlin-Bicêtre. L’engin incendiaire n’explose pas mais l’affaire fait grand bruit : au même moment une vague d’agressions antisémites est recensée en France alors que l’Intifada enflamme le Proche-Orient. La communauté musulmane de la ville est pointée du doigt. Albert Myara, 61 ans et habitant du Kremlin-Bicêtre depuis son enfance, se souvient :

« Ça, des “sales juifs”, il y en a eu ici. Et il ne faut pas se leurrer, l’immense majorité des actes d’antisémitisme, ils viennent des musulmans. La courbe des actes antisémites en France est proportionnelle à la courbe des incidents au Proche-Orient. »

A l’époque, le maire socialiste de la ville Jean-Luc Laurent demande à recevoir l’ensemble des responsables des différents cultes. « L’objectif, c’était d’instaurer un peu de dialogue. A ce moment, ils ne se parlaient pas et ne se connaissaient même pas! » s’égosille le 1er adjoint Jean-Marc Nicolle. Résultat : les représentants des cultes juif, musulman, catholique et protestant prennent des rendez-vous réguliers pour « mettre fin à tout ça », dixit M. Myara. En 2007, ils créent même une association intercultuelle. « M. Myara est devenu un vrai copain », s’amuse le franco-algérien Mohammed Khodja, qui rencontre son homologue tous les mois. Jean-Pierre Nicole, fait, lui, la promo de la municipalité :

« La réunion qu’a convoquée le maire en 2002 a été le point de départ. A partir du moment où le dialogue peut s’installer, tous les préjugés tombent. C’est pour ça qu’on n’a pas mis très longtemps à les convaincre pour le projet de mosquée. »

Mais, à y regarder de plus près, la proximité entre la synagogue et la mosquée du Kremlin-Bicêtre a aussi des airs de cohabitation forcée. Si les dirigeants des deux cultes se parlent régulièrement, ce n’est pas le cas entre les fidèles. Anthony, un converti autour de la trentaine, fréquente la mosquée depuis 2007 : « On ne se connaît pas. C’est chacun de son côté. Parfois on se dit bonjour mais c’est tout. » Un constat que partage Albert Myara : « Au niveau des membres, on n’a pas encore de contact. » Le représentant de la communauté juive n’a d’ailleurs pas consulté ses ouailles quand il a donné son approbation au projet municipal. Et la décision d’installer la mosquée à côté de la synagogue passe toujours assez mal auprès de certains fidèles juifs. Une Krémlinoise, qui fréquente la synagogue depuis plus de 30 ans, râle devant son repas de Soukkot :

« La ville est grande quand même ! Et ils nous ont mis la mosquée juste à côté ! »

Un musulman fervent, qui se rend à la mosquée une fois tous les 2 jours, explique, lui, pourquoi il ne dit jamais bonjour aux juifs en kippa qu’il croise devant la synagogue :

« Ce serait bizarre. Un peu comme si je rentrais dans une synagogue avec un Coran. »

Avec 17 000 habitants par km2, le Kremlin-Bicêtre est la 13e ville la plus dense de France. C’est en fait le manque de place qui a amené religieux juifs et musulmans à cohabiter de force sur la même parcelle. Jean-Marc Nicolle, le 1er adjoint au maire, dresse un rapide diagnostic de la situation :

« La superficie est de 154 hectares, mais le tiers est occupé par l’hôpital et le Fort. Alors autant vous dire que des terrains disponibles, il n’y en a pas 50 000! »

Mohammed Khodja, le représentant de la communauté musulmane, déplore, lui, avoir passé plus de 5 ans à chercher un espace qui puisse accueillir la mosquée.

« On avait un gros problème : le Kremlin-Bicêtre, c’est trop près de Paris, et donc le foncier est trop cher. »

Des problèmes que ne connaît pas la synagogue. Ancienne forge réhabilitée par un mouvement de jeunesse israélite, elle est propriété de la communauté juive locale – des rapatriés algériens – depuis 1967, grâce aux fonds du Consistoire. Suite au départ d’un cirque en 1995, la municipalité a cédé à la synagogue une partie du terrain adjacent pour qu’elle effectue un agrandissement. C’est la parcelle restante de ce terrain municipal que se décide à accepter la commuté musulmane en 2007 pour construire sa mosquée. Un peu à contrecœur, se souvient M. Nicolle :

« Eux-mêmes, ce n’était pas ce qu’ils souhaitaient. »

À la synagogue du Kremlin-Bicêtre, les repas se terminent parfois autour de la chanteuse Joceline Dayan qui entonne, guitare en mains, « Israël ma maison ». Le sermon du rabbin, ce jeudi 12 septembre lors d’un hommage rendu à un défunt, est tout en allusion au « transcendantal » État d’Israël, « jamais admis par ses voisins ». Un drapeau israélien décore d’ailleurs la cabane installée pour Soukkot.

Côté musulman, le représentant de la communauté M. Khodja assure que la politique n’a pas droit de cité dans l’enceinte de la mosquée. Pourtant, Yacine, lycéen et fidèle dévot, rend compte de ce qu’il a appris de l’imam local :

« Il nous dit toujours dans ses prêches de ne jamais oublier de faire la différence entre les sionistes et les juifs non-sionistes »

Étudiant en première, il explique aussi :

« Si je peux avoir des amis juifs? Il faut faire la différence entre des amis et des connaissances. Le conflit nous empêche de nous rapprocher. »

Dans ce contexte politisé, un élément extérieur vient cristalliser le ressentiment : la camionnette de CRS [police anti-émeute] garée lors des fêtes juives devant la synagogue, à quelques mètres seulement de la mosquée. Pour Yacine, solide gaillard de 18 ans, c’est là l’expression d’un « deux poids, deux mesures » :

« Ce qu’on ne comprend pas, c’est pourquoi eux ils sont protégés. Nous, on a plusieurs fois demandé à la mairie et jamais on n’a pu avoir une patrouille de police »

D’autres, comme cet habitué, sont persuadés que s’il y a une protection policière devant la synagogue, c’est à cause de la mosquée :

« Comme par hasard, il y a une concentration de musulmans, alors hop, ils ont mis des CRS devant chez eux. Je n’ai jamais vu de patrouilles devant d’autres synagogues. Ils ont peur de quoi ici? »

Et malgré la proximité géographique, les clichés ont la vie dure. Le fidèle pas très au fait des subtilités du plan Vigipirate s’embarque dans un monologue à propos « des juifs qui contrôlent les médias ». Avant de regretter qu’ils entretiennent « le culte de la crainte » :

« C’est toujours caché, devant chez eux. On ne sait pas ce qu’il font dans leur synagogue. »

Côté synagogue, on n’est pas en reste, question stéréotypes. Une femme qui a appris que j’étais passé à la mosquée la veille en profite pour me demander si « là-bas, ça sent des pieds ». Un homme me livre, lui, sa fine analyse du conflit au Proche-Orient :

« Quand les juifs n’étaient plus en Israël, c’était une terre aride. Comment voulez-vous que quelqu’un qui a fait pousser des cailloux toute sa vie ne soit pas jaloux de nous? »

Aux dires des plus fervents fidèles musulmans, c’est parce qu’ils appliquent un islam rigoriste qu’ils vivent en harmonie avec les voisins juifs. William, 23 ans, converti depuis un an, porte une longue barbe rousse et une djellaba d’un blanc immaculé. Il explique pourquoi il dit toujours bonjour aux habitués de la synagogue :

« Ils ont des idées préconçues sur les musulmans, ils croient qu’on veut les exterminer. J’espère qu’avec mon comportement souriant, je peux les guider. Comme je vous l’ai dit, c’est notre devoir de propager notre religion. On espère que tout le monde va passer le pas vers l’Islam, alors pourquoi ça ne marcherait pas avec des juifs? »

Chez les juifs religieux, Albert Myara se lance dans un cours sur « le messianisme », « la ligne d’horizon des juifs » :

« On sait qu’un jour, le Bien va l’emporter. Mais en attendant, on prend sur soi. »

Plus prosaïque, cette maman juive à béret a une tactique pour désamorcer les tensions :

« Moi, quand je sens qu’on me regarde mal lorsque je me balade avec mon fils qui porte la kippa, je dis bonjour à tout le monde! Les gens sont surpris et ils sont obligés de me répondre ou de me faire un sourire! »

Le 7 janvier 2009, un nouvel acte de vandalisme a eu lieu à la synagogue du Kremlin-Bicêtre, bien que la mosquée se soit installée à côté. Cette fois-ci, c’est une Toyota, avec une grosse étoile de David à l’intérieur, qui est incendiée devant le lieu de culte. Au même moment, Israël est en train de bombarder Gaza. « Ceux qui se rendent coupables de ces actes antisémites, ce sont des jeunes désœuvrés qui n’ont aucune culture musulmane ! » coupe court Albert Myara qui fait valoir que « les musulmans qui fréquentent assidûment la mosquée sont des gens paisibles avec un sens du religieux et une morale. »

Jean-Marc Nicolle, le 1er adjoint au maire, refuse aussi de voir un lien entre la religion et les incidents racistes. Il préfère parler de « bêtises de collégiens » et rappelle que le Kremlin-Bicêtre a « toutes les caractéristiques d’une ville populaire de banlieue avec son parc social de 37% et ses jeunes touchés de plein de fouet par la crise. » L’élu continue de croire que la cohabitation entre la mosquée et la synagogue est « un modèle à dupliquer » :

« Le dialogue fait tomber les barrières et fait en sorte, qu’ici, dans les valeurs républicaines, on peut vivre ensemble. »

Yacine, venu à la prière du soir avec ses deux petits frères, est, lui, catégorique :

« Le fait que la mosquée soit à côté de la synagogue, ça ne change rien. Ici on vient pour prier et c’est tout. »

Au mois de juin 2012, le conseil municipal du Kremlin-Bicêtre a voté à l’unanimité la signature d’un bail emphytéotique de 99 ans avec l’association des musulmans du Kremlin-Bicêtre (AMKB). Le préfabriqué qui fait office de salle de prière va disparaître pour laisser la place à une mosquée en dur. La terrasse de la synagogue donnera sur le nouveau bâtiment.

4 bonnes raisons de choisir Québec pour votre prochain voyage de ski

$
0
0
Parce que l’hiver, c’est fait pour profiter de la neige!

Seuls au monde dans les Refuges Perchés à Mont-Tremblant

$
0
0
Résumé d’une (demie) détox digitale dans les bois.

Le Madrid, Mecque de la garde partagée

$
0
0
L’autoroute 20 est leur terrain de jeux.

Dur dur, d’être embauché

$
0
0
Si vous cherchez sans succès depuis des mois, vous n’êtes pas seul.e.s.

L’hôtellerie, un domaine humain

$
0
0
Rencontre avec Brishna Hilaire, directrice de l'hébergement à l'hôtel de l'ITHQ.

Bonjour! La Terre crame!

Obsessions et désirs

$
0
0
Les interprètes de Contre toi réagissent à des vrais témoignages

Hausse de la consommation par inhalation : de nouveaux défis pour les ressources

$
0
0
La montée des stimulants comme le crystal meth vient bousculer les pratiques d'intervention des organismes communautaires.

Une carrière qui allie arts et technologies? Ça se peut!

$
0
0
La formation en création d’expériences immersives et interactives offerte à l’UQAM est le programme parfait pour le geek et l’artiste qui sommeillent en vous.

5 personnalités qui nous amènent ailleurs

$
0
0
Nabil Queen, Olivier Arteau, Mégane Sauvé, Marika Saint-Jacques et Farnell Morisset vous redonneront espoir en l'humanité.

Ils vont courir 126 km torse nu pour une bonne cause 

$
0
0
Rencontre avec les coureurs du défi KÖLD.

Les Kevin ne deviennent pas médecins. Voici pourquoi

$
0
0
Votre prénom trahit-il votre classe sociale ?

Les suggestions culturelles de Marie-Pierre Arthur

Viewing all 449 articles
Browse latest View live