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Dans les buissons des «jardins gay» du Louvre

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« Ici, c’est le jardin des proies », assure Eric, régisseur dans l’audiovisuel, piercing au sourcil, cheveux en pétards et sac de sport en bandoulière. Il vient y trouver un coup d’un soir, une fois par semaine. Le terrain de chasse, bien délimité, est divisé en deux espaces composés d’un labyrinthe, de plusieurs accès souterrains aux issues d’un parking et d’une terrasse surplombant l’ensemble.

La proximité avec le musée le plus visité au monde donne naissance à une cohabitation insoupçonnée. Les touristes, promeneurs et riverains passent à côté des buissons sans avoir la moindre idée de ce qu’il s’y déroule. Mathieu, 22 ans, étudiant en sociologie, fréquente le lieu « à l’occasion » depuis quatre ans. Il nous détaille les différentes zones d’un endroit qui n’a plus de secret pour lui. L’aile droite, est « fréquentée par les jeunes. » Les hommes se retrouvent à l’intérieur de grands buissons de deux mètres pour des « préliminaires et plus si affinités. » L’aile gauche, la plus « hard », est fréquentée par « les gros dégueulasses et les vieux ». C’est le coin des parties à plusieurs dans les escaliers souterrains.

24H/24 
À notre arrivée, vers 20 heures, une trentaine d’hommes sont déjà présents alors qu’il fait encore jour. D’après Mathieu, « certains sont là toute la journée. » Le nombre de participants varie surtout selon la saison. Les aléas du plein air. Mais « même en hiver il y a du monde » assure Eric. Quand on lui demande qui vient ici, la réponse fuse : « Tout le monde! Même des célébrités. » Il nous raconte, amusé, que de temps en temps, des hommes d’affaire arrivent après leur journée de travail et « courent entre les haies pour trouver quelqu’un rapidement, tirent leur coup et rentrent ensuite chez eux reprendre leur petite vie familiale.»

TECHNIQUES D’APPROCHE
Après un court moment d’observation, un jeune homme, habillé tout en noir, casquette vissée sur la tête, fait signe à sa cible de le suivre. Les deux marchent maintenant côte à côte, sans se dire un mot. La rencontre d’un partenaire vient casser la monotonie des tours solitaires de labyrinthe. Ce soir, Julien est venu pour un « flirt avec une racaille. » Son fantasme. Pour l’assouvir, il commence sa ronde par la terrasse, « ça permet de voir où sont les autres et de repérer ceux qui me plaisent. » Ensuite, il circule entre les allées et tente d’attirer l’attention de celui qui l’intéresse.

« En général tout se passe dans les regards. Si le gars te fixe, ou bien s’il te suit, ça veut dire que tu l’intéresses », assure Mathieu. Eric, plus expérimenté, repère parfois quelques timides, « ils n’osent pas rentrer dans les buissons. C’est généralement les autres qui viennent les chercher. » Ce soir, assis tranquillement en jogging sur un banc de la terrasse, il attend qu’un partenaire se propose.

22 V’LÀ LES FLICS! 
À quelques mètres de là, dans son cabanon, Manu, agent de sécurité du musée, est content d’entamer la conversation pour tuer le temps. Il explique que la direction prévient systématiquement les nouveaux gardiens que « les buissons du Jardin du Carrousel du Louvre ne se reposent jamais. » 

Pour vérifier qu’aucune dégradation des murs et des statues n’a lieu (tags, vandalisme), il doit effectuer une ronde toutes les heures dans les allées des labyrinthes. « Ce n’est pas mes affaires ce qui se passe là-dedans, on n’est pas là pour s’occuper d’eux », affirme Manu en précisant qu’il n’oublie jamais sa veste fluorescente pour ne pas être confondu avec un participant.

Éric, qui a connu le lieu dans le film Nos vies heureuses de Jacques Maillot, vient depuis 8 ans. Il n’a jamais eu de problème, excepté une altercation avec un SDF furieux qui l’a pourchassé avec un couteau de boucher à la main en criant: « J’en ai marre de tous ces pédés qui s’enculent à côté de moi. » Aujourd’hui, l’histoire le fait rire mais sur le coup, Eric était allé prévenir les militaires présents à l’entrée du musée.

Il arrive que la police intervienne pour donner une contravention aux participants. Pour échapper aux arrestations, une solidarité insolite s’est développée avec les vendeurs à la sauvette de tours Eiffel. « On se prévient mutuellement quand les flics arrivent et ils viennent dans les allées pour planquer leur matos », assure Eric avec un grand sourire.

LOVE STORY 
La plupart des participants recherchent simplement une aventure « vite fait, bien fait. » Julien est sans ambiguïté: « Je n’emmènerai jamais quelqu’un que j’ai rencontré ici chez moi. » Eric non plus n’a jamais donné suite. Mais Matthieu nous surprend. Il a vécu une relation amoureuse d’un an et demi avec un partenaire qu’il a approché entre deux haies…

22 heures. La nuit est tombée. Une cinquantaine d’hommes errent désormais dans les allées. Malgré les nombreux sites de rencontres, boîtes et bars, le « Jardin des proies » a toujours la cote.

Par Ismaël Halissat et Maxmin Costa

La course aux référendums: De 1995 à aujourd'hui

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J’avais 11 ans le 30 octobre 1995. J’entamais ce qui allait être ma dernière année du primaire avec l’insouciance de ceux qui croient la jeunesse éternelle. Sur les radios commerciales, Coolio faisait un tabac avec son Gangsta’s Paradise alors que par chez nous, Dédé implorait le Bon yeu de lui donner une job. 

Dehors, le temps frisquet nous rappelait que l’hiver était à nos portes. Ç’a toujours été comme ça dans mon Abitibi natale. L’hiver arrive toujours un peu plus vite qu’ailleurs. « On n’y échappera pas encore c’t’année » disait d’ailleurs le père d’un ami! À ce jour, on n’y a jamais échappé, bien que les hivers m’apparaissent de plus en plus courts en vieillissant. 

Bref, rien ne laissait alors présager que ce lundi d’octobre serait différent des autres. Pour moi à tout le moins. Pour une majorité de Québécois, cette journée symbolisait au contraire beaucoup plus que le début d’une autre semaine de travail.

Car pour une deuxième fois en quinze ans, les Québécois étaient appelés à se prononcer sur la souveraineté du Québec. Évidemment, mes souvenirs de cette journée sont flous. Je me rappelle davantage qu’en ce lundi d’octobre nous avions congé d’école, chose qui, habituellement, était réservé aux froids matins de janvier. Et encore là, je mentirais si je vous disais que je me souviens de ce que j’ai fait de cette journée de congé. 

La politique était alors bien loin dans mes priorités de jeune garçon à l’aube de connaître les joies ingrates de l’adolescence, de ses boutons et de cette incessante quête identitaire. Ma libido de prépubère allait également bientôt faire son apparition si ce n’était pas déjà fait. Entre mon obsession grandissante pour les filles de ma classe et le début d’une nouvelle saison de hockey, il y avait peu de place pour la politique. Pour être franc, il n’y en avait aucune.

J’ignorais alors ce qu’était un référendum. J’ignorais tout autant ce qu’était la souveraineté. J’en saisissais toutefois l’importance puisqu’on en parlait à la maison. Les discussions politiques étaient plutôt rares autour de la tablée familiale. Elles le resteront d’ailleurs jusqu’à mon départ du foyer à 19 ans. Mais en ce mois d’octobre 95, la politique accaparait la presque totalité des discussions dans la maison. Même l’exécrable début de saison du Canadien n’arrivait pas à déloger la politique du sacro-saint souper familial.

Pour tout dire, à 11 ans, ces discussions m’apparaissaient plutôt futiles. Je n’avais jusque-là jamais remis en question mon identité nationale. Bien au contraire. À l’hiver 1994, je m’étais époumoné à encourager les athlètes canadiens aux Jeux olympiques de Lillehammer. Je connaissais l’hymne national canadien par cœur (chose que je n’ai malheureusement jamais réussi à me sortir de la tête) et Félix Leclerc n’était que le nom d’un théâtre à Val-d’Or. 

Non, vraiment, la politique n’était pas dans mes priorités du moment. Elle le deviendra beaucoup plus tard au cégep. Mais ça, c’est une autre histoire. 

Mais revenons à cette soirée du 30 octobre 1995. Les premiers résultats ont commencèrent à rentrer assez tôt dans la soirée, tous de régions favorables à la souveraineté du Québec. Rapidement le camp du OUI s’était forgé une confortable avance. Cette avance fit d’ailleurs dire à mes parents, au moment d’aller me coucher, que je me lèverais demain dans un nouveau pays… On connaît la suite. À 22h20, alors que mes ronflements rythmaient mon sommeil, Bernard Derome rendit le verdict : « Radio-Canada prévoit, si la tendance se maintient, que l'option du NON remportera ce référendum »... 

***

Près de 20 années ont passé depuis la défaite référendaire de 1995. Je dis défaite, mais pour 51% des Québécois, ce fut une victoire. Enfin, pas vraiment une victoire, mais un statu quo. Car pour ce peuple qui se complaît dans un certain confort et une totale indifférence, le mot « indépendance », ça fait peur. Surtout lorsque c’est dit avec un poing brandi dans les airs.

Alors qu’en est-il aujourd’hui de l’idée d’indépendance? Car il faut se le dire, l’avenir politique du Québec ne semble plus susciter l’enthousiasme dans les chaumières. 

Ce projet politique dont on a prophétisé la mort à plus d’une reprise dans le passé serait désormais, aux dires de plusieurs, sur le respirateur artificiel. Pire, aux soins palliatifs, dans l’attente d’une mort lente mais inévitable. Un peu à l’image des partis qui portent l’option. Les dégelées du Bloc en 2011 et du PQ un peu plus tôt cette année seraient le reflet de cette longue et douloureuse agonie. 

Vrai que les jeunes, historiquement la base militante du projet, ne semblent plus trop intéressés par la souveraineté. C’est entre autres ce qui se dégage d’un sondage de la firme CROP effectué auprès de 500 jeunes de 18 à 24 ans en mai dernier nous indiquant que 69% de ceux-ci voteraient NON à un éventuel référendum sur l’indépendance. 

Depuis, tous y vont de leur interprétation et de leur analyse sur la question.

Justin Trudeau affirmait ce printemps que les jeunes ne veulent plus rien savoir de la souveraineté parce qu’ils sont préoccupés par de grands enjeux comme les changements climatiques, la pauvreté, le respect des droits humains et les inégalités sociales. Autant de choses qui, on l’aura deviné, sont inconciliables avec le destin collectif de la société québécoise.

Pour sa part, le Parti conservateur du Canada se félicitait plus tôt cet été, sur sa page Facebook, du déclin de l’option souverainiste qui serait principalement dû au leadership de son chef Stephen Harper et à sa propension à « honorer les principes de Cartier ». Pas Jacques. Georges-Étienne, ancien premier ministre du Canada dont on se cal*sse royalement!

Toujours est-il qu’à ce moment de notre histoire où nous débattons de la fin ou non du projet souverainiste, dans plusieurs régions d’Europe, il en est tout autre. En effet, plusieurs états et régions européennes manifestent avec de plus en plus de véhémence leur identité nationale, certains allant même jusqu’à revendiquer leur indépendance. On connaît le combat que mènent actuellement les Écossais et les Catalans qui, tour à tour, se prononceront cet automne sur l’indépendance de leur territoire. À cela s’ajoutent les Flamands et les Basques espagnols qui vivent eux aussi un regain de leur mouvement identitaire. 

Pendant longtemps, ces régions ont vu le Québec comme un modèle d’émancipation collective et démocratique. Or, après deux échecs référendaires, loin d’être un exemple, le Québec est désormais perçu comme étant un contre-modèle, la voie à ne pas suivre. Le refus de David Salmond, premier ministre et leader du mouvement indépendantiste écossais, de se faire prendre en photo avec Pauline Marois en janvier 2013 en dit long sur le malaise de s’afficher avec la chef d’un parti qui a perdu ses deux référendums.

***

Ceci étant dit, la carte du monde a grandement évolué depuis un peu plus d’un siècle. De 46 États souverains en 1900, nous en sommes aujourd’hui à près de 200 (193 pays membres des Nations Unies). Les derniers en liste, le Timor oriental en 2002, le Monténégro en 2006, le Kosovo en 2008 (indépendant mais non reconnu encore par la communauté internationale) et le Soudan du Sud en 2011. 

Dans les prochaines semaines, deux nouveaux États pourraient ajouter leur voix au concert des nations. L’Écosse votera pour son indépendance le 18 septembre, suivie de la Catalogne le 9 novembre. Évidemment, pour les Québécois, ces deux référendums présentent un caractère singulier. C’est en effet beaucoup plus facile pour nous de s’identifier à l’Écosse ou à la Catalogne qu’au Timor oriental ou au Kosovo. Les comparaisons entre les trois États sont d’ailleurs nombreuses. Nous aurons l’occasion d’y revenir!

Car au cours des prochaines semaines, je serai sur place pour vivre et commenter coup sur coup les référendums en Écosse et en Catalogne. Pour l’occasion, je tiendrai un blogue sur Urbania pour vous faire part de mes impressions et de mes réflexions sur les deux situations. Loin d’être des topos politico historiques autour de ces deux États (d’autres le font déjà mieux que moi!), mes billets s’attarderont davantage à décrire le climat et l’ambiance à l’aube (et au lendemain) de ces deux référendums, le tout ponctué de rencontres avec des locaux. En d’autres mots, je vais vous montrer et vous parler de sujets dont les médias traditionnels ne traiteront pas.

Je me rendrai également dans d’autres régions européennes qui sont animés d’un mouvement indépendantiste, aussi marginal soit-il, pour échanger avec les populations locales sur leur perception de l’indépendance et surtout, pour prendre un coup avec eux! Premier arrêt, la Padanie en Italie du Nord. 

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En terminant, je tiens à remercier Voyage Globallia qui m’a gracieusement offert une commandite pour rendre ce voyage possible!






Crédit photo: Kyoshi Masamune

La Padanie ou les ambitions sécessionnistes de l'Italie du Nord

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Pour lire l'introduction de cette série de reportages, c'est par ici

Il m'aura fallu cinq voyages en Europe pour finalement mettre les pieds en Italie. Pas que j'aie quelque chose contre l'Italie, bien au contraire. J'ai toujours apprécié la culture italienne, son cinéma, sa gastronomie, ses créations artistiques. Il m'arrive même fréquemment de faire des détours par la Petite Italie à Montréal question de humer les doux effluves de gel à cheveux ainsi que les émanations de cire provenant des bolides chromés. Certes, il y en aura toujours un pour souligner que j'ai pris avec un certain contentement l'élimination hâtive de la Squadra Azzurra lors de la dernière Coupe du monde de football, mais cela, j'en conviens, c'est sans nul doute mon seul accroc. 

Bref, avant de mettre les pieds en Écosse pour suivre la dernière ligne droite de la campagne référendaire, il m'apparaissait pertinent de faire un petit saut en Italie du Nord afin de tâter leur velléité indépendantiste. Enfin, je dis l'Italie du Nord, mais disons plutôt la Padanie. 

Qu'est-ce que la Padanie? 

La Padanie, c'est le grand rêve sécessionniste de la Ligue du Nord (La Lega Nord), parti politique fondé en 1989 par Umberto Bossi. Ce parti est né de la fusion d'une dizaine de partis politiques régionalistes et autonomistes du nord de l'Italie qui, dès les années 1970, ont commencé à réclamer la décentralisation des pouvoirs et même, dans certains cas, l'indépendance pure et simple. 

Pendant près de vingt ans, soit de 1996 jusqu'à tout dernièrement, la Ligue du Nord a renoncé à ses ambitions sécessionnistes pour revendiquer une plus grande autonomie au sein de l'Italie et l'instauration d'un régime fédéraliste. Toutefois, la dernière crise économique semble avoir ravivé, chez plusieurs, le rêve d'une Padanie indépendante. Voyons rapidement à quoi renvoie celle-ci.

Inutile de chercher la Padanie sur une carte du monde. Ses limites géographiques n'ont jamais été clairement définies. Parfois des régions comme la Toscane, l'Ombrie et les Marches s'y trouvent, des fois non, des fois en partie. Bien que la Padanie soit un regroupement de régions du nord, le terme renvoie davantage à un concept, celui de nation, qu'à un territoire géographique.

Ici, peu de comparaisons peuvent être faites avec les autres mouvements indépendantistes européens. Contrairement aux Écossais, aux Catalans, aux Basques espagnols ou aux Flamands, la Padanie ne dispose pas d'une culture qui lui est propre, d'une histoire particulière ou même d'une langue commune. Or, comme elle ne peut appuyer son discours sur des notions préexistantes, elle a dû se créer sa propre identité. C'est dans cet esprit que dans les dernières années, la Ligue du Nord a fondé son équipe de football, s'est dotée de sa propre chaîne de télévision (Telepadania), de sa chaîne de radio (Radio Padania Libera), de son journal (La Padania) et même de son propre concours de beauté, le Miss Padania

En somme, à défaut de pouvoir s'appuyer sur des référents culturels, linguistiques ou historiques, la nation padane a dû s'inventer. C'est pourquoi elle ne se définit pas tant par ce qu'elle est, mais davantage par ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire, des Méridionaux (habitants du sud) et des immigrés. En ce sens, selon une expression communément utilisée par les indépendantistes, les Méridionaux seraient des Terrones, c'est-à-dire des paresseux, des corrompus et des mafieux profitant des programmes sociaux payés par l'Italie du Nord, riche et industrialisée. L'indépendance serait donc un moyen pour les régions du nord, plus riches que celles du sud, de cesser de subventionner les régions du sud et conséquemment, de profiter entièrement de leurs richesses. 

Évidemment, l'indépendance est justifiée autrement par les idéologues padans. On parle davantage d'une identité menacée, de droits bafoués et de constantes injustices commises par la majorité du sud sur la minorité du nord. En ce sens, une image forte utilisée par la Ligue du Nord consiste à comparer la situation des Italiens du Nord à celle des Sioux aux États-Unis, ce peuple autochtone qui s'est vu voler ses terres et détruire son mode de vie au XIXe siècle. Toutefois, dans la version italienne, les Sioux, ce sont les Italiens du Nord et les Blancs, les Italiens du Sud. 

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Alors, la question qui brûle les lèvres : « Verrons-nous dans les prochaines années l'avènement d'une Padanie indépendante? » Je ne suis évidemment pas le mieux placé pour y répondre. Nul n'est prophète dans son pays. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit du pays des autres. Toutefois, à la lumière d'un sondage maison de type non probabiliste effectué auprès de douze Italiens du Nord et comportant une immense marge d'erreur, si un référendum avait lieu demain, l'option du NON l'emporterait avec 100 % des voix! 

Vrai que mon échantillon n'était pas vraiment représentatif. Il s'agissait essentiellement de jeunes Italiens et Italiennes dans la vingtaine avec qui j'ai voyagé en voiture d'une ville à l'autre. Car si le covoiturage a l'immense avantage d'être plus économique que le train, la voiture est également un lieu privilégié d'échanges et de discussions. 

Or, chacun des conducteurs et des passagers avec qui j'ai abordé la question de la Padanie a reçu celle-ci avec un mélange d'étonnement et de malaise. Ce genre de réaction qui semblait dire : « Mais pourquoi viens-tu jusqu'ici pour nous parler de la Padanie? » Car il faut bien le dire, l'indépendance de la Padanie ne semble pas être actuellement le sujet d'intérêt par excellence pour ceux qui m'ont pris à bord. Tous ont d'ailleurs été assez critiques du projet et du parti politique qui porte l'idée. 

Selon Daniel, un jeune Milanais de 23 ans qui étudie la sociologie et avec qui j'ai eu la chance de faire la route séparant Milan de Vérone, les positions xénophobes qu'a tenues la Ligue du Nord dans le passé ont totalement discrédité l'option indépendantiste. Pour un pays ayant un passé fasciste, les Italiens devraient, selon lui, se garder une petite gêne lorsque vient le temps de critiquer les immigrants. 

En effet, pas besoin de chercher longuement pour trouver des déclarations incendiaires. Ceux au Québec qui ont encore de la misère à digérer les propos de Jacques Parizeau sur le vote ethnique feraient sûrement une crise d'urticaire à entendre ceux de la Ligue du Nord. Pour certains de ses dirigeants, l'immigration serait une cause directe à certains fléaux comme la criminalité, la prostitution, le trafic de drogue, la contrebande et la violence sexuelle en Italie. 

La présence d'immigrés serait également une menace pour l'identité padane. Selon une formule utilisée par les idéologues léguistes, le monde serait un vaste ensemble de taches colorées. Or, si on mélange ces taches, les couleurs seraient susceptibles de disparaître et de faire place à un ton grisâtre, c'est-à-dire à un monde sans identité. Vous aurez deviné que ce type de remarque se passe de commentaire! 

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Je pars maintenant pour l'Écosse où je suivrai les derniers jours de la campagne référendaire. Le OUI semble avoir fait une progression importante depuis le dernier débat des chefs, ce qui promet une fin de campagne assez excitante. J'irai rejoindre là-bas une quarantaine de Québécois qui, pour différentes raisons, ont tous un intérêt pour le destin collectif des Écossais et aussi, j'imagine, pour le whisky. 

* La documentation pour ce texte provient d'articles triés sur le volet, mais plus spécifiquement de discussions et d'échanges que j'ai eus avec des gens ainsi que de mes impressions sur le terrain. Cet article (tout comme les suivants) n'a donc aucune prétention scientifique.


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En terminant, je tiens à remercier Voyage Globallia qui m’a gracieusement offert une commandite pour rendre ce voyage possible!

Une Révolution tranquille à l'écossaise

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Aucune offre d'association ou de partenariat avec le reste du Royaume-Uni advenant une victoire du OUI n'est proposée aux Écossais. En bref, l'entente entre le camp du OUI et le gouvernement britannique stipulait que Londres reconnaîtrait un résultat de 50% plus un si la question posée aux Écossais était claire. Il est en effet difficile d'avoir une question plus claire que ça!

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Ce qui s'annonçait comme une défaite certaine il y a encore quelques mois prend aujourd'hui les allures d'une chaude lutte dont nul ne peut désormais prédire l'issue. Au moment des premiers préparatifs pour ce voyage, c'est-à-dire il y a un an et demi, le OUI stagnait à environ 35% dans les intentions de vote. Il varie aujourd'hui entre 42 et 56% selon les maisons de sondage. Vous devinerez qu'à ce stade-ci de la campagne, prédire l'issue du vote s'avère plutôt périlleux!

J'ai donc rejoint à Édimbourg une quarantaine de Québécois** pour suivre le dernier droit de la campagne référendaire. D'aucuns voient, dans ce référendum, un contexte similaire à celui du Québec en 1995 et conséquemment, des leçons à tirer.

Certes, les comparaisons avec le Québec sont nombreuses. La réaction du Better Together depuis quelques semaines n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle du NON lors des deux précédentes campagnes référendaires au Québec. La peur semble désormais être au coeur de l'argumentaire de celui-ci. Tout y passe: les pensions de vieillesse, le déménagement des sièges sociaux, l'impossibilité pour les Écossais de garder la livre sterling, etc.. Même le slogan « Non Merci » du camp du NON en 1980 a été repris par les pro-unionistes écossais!

Du côté du OUI, bien que ce soit loin d'être gagné, les militants surfent sur une vague favorable depuis quelques jours, plus particulièrement depuis le dernier débat télévisé entre Alex Salmond (YES Scotland) et Alistair Darling (Better Together). Au lendemain du débat, et ce, pour la première fois depuis le début de la campagne, un sondage mettait le OUI en avance dans les intentions de vote. Il y a donc chez les militants indépendantistes un mélange de confiance et de fébrilité, fébrilité qui, pour emprunter une expression chère à Bernard Drainville, ne m'apparaît toutefois pas très ostentatoire!

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Car quiconque viendrait aujourd'hui en Écosse dans l'espoir de vivre (ou revivre) la « fièvre référendaire » de 1995 au Québec ou les manifestations monstres de la Catalogne des derniers jours serait fort déçu. Contrairement aux Catalans qui déambulent à coup de millions dans les rues de Barcelone pour revendiquer le droit à l'autodétermination, en Écosse, la campagne se vit en effet beaucoup plus paisiblement. Du moins, à Édimbourg***.

Les lampadaires sont dénudés de pancartes, les manifestations et les rassemblements populaires sont plutôt modestes et les discours politiques touchent bien rarement à la fibre identitaire des Écossais. L'économie demeure ici l'enjeu premier pour l'une ou l'autre des options. Les Écossais s'en tireraient-ils mieux si l'Écosse était indépendante? Là semble résider l'essentiel de la question.

Cela rend bien évidemment le débat en Écosse beaucoup moins émotif qu'il ne l'a été (et qu'il l'est toujours) au Québec. D'ailleurs, ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose que ça. Les partisans du OUI et ceux du NON se côtoient dans un climat relativement serein et bon enfant.

En discutant avec des militants indépendantistes, j'avais l'impression qu'une défaite serait décevante mais pas crève-coeur. L'importante percée du OUI dans les dernières semaines de la campagne référendaire prend déjà, chez plusieurs, l'allure d'une victoire morale. Ce type de victoire qui donnerait, selon ces derniers, un rapport de force important dans d'éventuelles négociations avec Londres. On aimerait parfois leur dire qu'on s'est fait «crosser» à deux reprises par des promesses improvisées à la dernière minute par le camp du NON, mais après tout, ce n'est pas notre référendum!

Il y a bien évidemment des indépendantistes de la première heure chez qui les plaies laissées par une défaite seraient plus dures à cicatriser. J'ai d'ailleurs passé ma deuxième journée à Édimbourg avec deux militants de longue date qui m'affirmaient être devenus indépendantistes à la suite de l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, soit depuis près de 35 ans.

Ma rencontre avec ces deux sympathiques quinquagénaires est d'ailleurs le fruit d'un pur hasard. C'est en pensant me rendre à une manifestation pour le OUI que je suis tombé sur ces deux militants indépendantistes de longue date. Ayant répondu «oui» à une question que j'avais, de toute évidence, mal comprise (sacré accent écossais!), je me suis retrouvé à distribuer des dépliants dans les boîtes aux lettres d'un quartier cossu d'Édimbourg! Un genre de Westmount écossais, l'appui massif au NON compris!

À voir la fougue qu'ils mettaient à distribuer les tracts, j'en déduis qu'une victoire aurait un goût plutôt amer. D'autant plus si le résultat est serré. Nous savons ce que c'est!

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En terminant, bien que le référendum ne se traduise pas sur le terrain en manifestations monstres, il suffit de parler aux gens pour se rendre compte que depuis quelques semaines, il s'agit du principal sujet de discussion. Enfin, disons à égalité avec les rumeurs sur la grossesse de Kate!

Bien qu'il reste encore un nombre considérable d'indécis, tous semblent avoir une opinion sur la question. C'est d'ailleurs ces indécis qui, jeudi, décideront du sort de l'Écosse. Nous serons donc plusieurs Québécois à se réunir jeudi soir pour suivre le déroulement de la soirée référendaire. Les résultats du vote ne devraient toutefois pas être connus avant vendredi matin ce qui nous permet d'envisager une longue nuit! D'ici là, on va profiter des charmes d'Édimbourg!


* La campagne du YES Scotland a été lancé le 25 mai 2012 et celle du Better Together le 25 juin 2012.

** J'ai joins le Réseau Québec-Monde, une organisation pratiquant le tourisme politique et qui en était à son premier voyage.

*** Samuel Bergeron, qui tient la page un Québécois en Écosse sur Facebook, m'expliquait que l'appui au OUI est beaucoup plus visible dans certaines régions de l'Écosse dont les Highlands et à Glasgow.


En terminant, je tiens à remercier Voyage Globallia qui m’a gracieusement offert une commandite pour rendre ce voyage possible!

Le choix des Écossais ou comment survivre au mal de bloc référendaire

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Pour faire court, je dirais même que l'après-référendum est un peu à l'image de la campagne, c'est-à-dire calme et serein. J'ai parfois l'impression que les nombreux Québécois sur place ont eu davantage de mal à digérer cette défaite que les Écossais eux-mêmes, un peu comme si cette défaite était aussi un peu la leur. 

Longtemps avons-nous affirmé que nous étions, au Québec, le seul peuple à avoir refusé l’indépendance. Désormais, nous serons deux! Je vous présente donc ici mes impressions des derniers jours de la campagne référendaire et des suivants.

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Une promenade dans les rues d'Édimbourg en ce 18 septembre, jour du vote, ne laissait en rien présager une défaite du OUI par près de 10 %. Même dans la capitale écossaise où 61 % des gens ont voté contre l'indépendance, on sentait que le OUI profitait d'un vent favorable. 

Il est vrai que les partisans du NON furent bien discrets tout au long de la campagne, ce qui a fort certainement faussé notre perception. Il y eut certes des sondages nous rappelant quotidiennement que le NON disposait d'une légère avance, mais celle-ci tendait à s'effriter petit à petit plus la campagne progressait. 

Le momentum dont disposait le OUI dans les dernières semaines n'aura donc pas été suffisant pour renverser la vapeur. Pour utiliser une expression bien en vogue chez nous depuis 2012, disons que la majorité silencieuse a parlé ! 

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D'un point de vue québécois, ce fut, il faut se le dire, une bien drôle de campagne. Il était fréquent de voir des kiosques du OUI et du NON côte à côte dans la rue sans que jamais cela ne cause de friction. À Glasgow, j'ai assisté à un rassemblement du OUI où des gens drapés de l'Union Jack parvenaient à se faufiler dans la foule sans que cela cause la moindre flammèche. Loin d'être perçues comme de la provocation, ces intrusions étaient au contraire source de moquerie entre les deux camps. 

La tension entre certains indépendantistes et unionistes a bien monté à Glasgow au lendemain du vote, mais en tenant compte du reste de la campagne, cela relève du cas isolé. 

Comme je le mentionnais dans mon texte précédent, la question identitaire étant absente, cette campagne fut nettement moins émotive que celle que mènent actuellement les Catalans* ou celles que nous avons vécues en 1980 et 1995 au Québec. Ici, point de langue à défendre ou de tort historique à venger. L'essentiel de la campagne portait sur l'économie et l'avenir de l'Écosse. 

D'ailleurs, il convient ici de le mentionner, l'indépendance n'a jamais été la première option des Écossais, y compris chez certaines personnes ayant voté OUI. Une majorité d'Écossais se seraient satisfaits dès le départ d'une plus grande autonomie au sein du Royaume-Uni. 

Conséquemment, le référendum était perçu chez plusieurs comme un moyen de négocier ce qu'on nomme en Écosse la devolution max, c'est-à-dire une plus grande autonomie fiscale. Les promesses faites par Londres dans les derniers jours de la campagne et visant à octroyer plus de pouvoirs à l'Écosse ont donc, de toute évidence, porté leurs fruits.

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Mais revenons aux heures précédant et suivant le vote historique des Écossais. La veille du vote, soit le 17 septembre au soir, un rassemblement populaire était organisé à Édimbourg sous le thème « Yes Hope-Global Solidarity », où se trouvaient environ 1500 militants pour le OUI, dont plusieurs issus de régions indépendantistes venues donner leur appui aux Écossais**. 

Voyant que le rassemblement tournait à sa fin, plusieurs manifestants ont alors senti qu'il devait se passer quelque chose. Fort de leur expérience du Printemps érable, les nombreux Québécois sur place*** ont bien tenté d'amener les Écossais et les autres manifestants présents à prendre la rue, mais cette marche spontanée s'est rapidement soldée par une... manifestation de trottoir! Autre pays, autres mœurs! 

Quoi qu'il en soit, la table était mise pour la soirée référendaire. En fait, disons plutôt la nuit référendaire! Car en Écosse, on n'écoute pas religieusement la soirée électorale entre amis autour d'une bière et d'un bol de ringolos. On attend généralement le matin pour savoir qui a gagné. 

Toutefois, vu l'importance de l'événement, certains bars avaient décidé de rester ouverts toute la nuit pour l'occasion. Trop peu cependant. Quiconque n'avait pas prévu de plan B courait le risque de se heurter à un bar plein à craquer et conséquemment, de devoir rebrousser chemin. Ce fut notre cas! 

Heureusement, un bon samaritain a croisé notre route. Un Catalan de surcroît. Il nous a gentiment offert le salon de son appartement pour suivre ce qui restait de la nuit référendaire. Il était alors près de quatre heures du matin. Déjà à cet instant, bien qu'il restait plusieurs boîtes de scrutin à dépouiller, l'issue du vote ne faisait plus de doute. Le NON allait remporter ce référendum. 

Il régnait alors dans ce salon occupé par des Écossais, des Catalans et des Québécois, un mélange de fatigue et de déception. C'est un peu comme si l'adrénaline des derniers jours s'éteignait soudainement, nous rappelant qu'en Occident, les solutions de rechange au statu quo font rarement l'unanimité. 

Bref, peu de temps après que la BBC eut confirmé que le NON gagnait ce référendum, nous quittions l'appartement pour aller nous coucher. Il était alors six heures du matin, cette heure fatidique où les couche-tard côtoient généralement les lève-tôt dans les rues encore sombres et lugubres. 

Tout en marchant, je scrutais bien attentivement les visages des passants, croyant y voir ici et là des mines dépitées, mais plus encore, des visages heureux. Après tout, Édimbourg avait voté à plus de 60 % pour demeurer au sein du Royaume-Uni. 

Cependant, rien dans le visage des gens ne laissait présager qu'un quelconque événement historique s'était déroulé quelques heures auparavant. Même impression quelques heures plus tard en allant ingurgiter mon premier repas de la journée. J'écoutais ici et là les conversations des gens, mais déjà, le référendum semblait derrière eux. 

Au cours de la journée du 19 septembre, beaucoup de gens avaient déjà retiré les affiches dans leurs fenêtres ainsi que les macarons qui ornaient leurs blousons. Le référendum était désormais chose du passé. Vrai qu'il est sans doute plus facile de tourner la page lorsqu'on perd avec 45 % des voix qu'avec 49,5 %. Nous sommes évidemment bien placés pour le savoir! 

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J'aurai donc passé un peu plus de deux semaines en Écosse. Beaucoup d'amis du Québec m'ont demandé ce que je retenais du référendum en Écosse ainsi que les parallèles que l'on pouvait faire avec notre situation. J'avoue que je n’en sais rien. 

Ici, en Écosse, la page semble être tournée pour une majorité, ce qui, on en conviendra, est loin d'être le cas chez nous. Le discours d'Alex Salmond le matin de la défaite ne laissait d'ailleurs pas entrevoir de prochain rendez-vous. Sa démission n'avait rien de plus rassurant! 

Et pourtant, l'option du OUI est passée de 35 % à 45 % en l'espace de quelques semaines. Je suis bien curieux de savoir qui sera le prochain politicien québécois à pouvoir revendiquer un tel succès! 

En somme, les promesses faites par Londres dans la dernière ligne droite de la campagne en auront donc convaincu plusieurs de rester au sein du Royaume-Uni. Reste à voir maintenant s'ils sauront les honorer. Si les jeux politiques à prévoir d’ici l’élection britannique de 2015 n’aboutissent à rien de concret pour les Écossais, l’hypothétique prochaine fois pourrait venir plus rapidement qu’on le pense… 

****************

Je quitte maintenant l'Écosse pour me diriger en Bretagne. Le mouvement indépendantiste breton est somme toute assez marginal, mais non moins existant. Il sera donc intéressant de voir ce qui anime les indépendantistes bretons! Dans tous les cas, rien ne permet d'envisager un repos pour mon foie! 

* Le référendum en Catalogne aura lieu le 9 novembre prochain. 

** Outre des Québécois, il y avait aussi des Catalans, des Basques, des Palestiniens et des Corses. 

*** Outre les 50 Québécois présents avec le Réseau Québec-Monde, j'ai rencontré une trentaine de Québécois qui avaient fait le voyage pour Édimbourg.

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En terminant, je tiens à remercier Voyage Globallia qui m’a gracieusement offert une commandite pour rendre ce voyage possible!

Le centre d’achats du mois : le Centre Duvernay

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À l’entrée, on se plait à admirer l’impressionnante charpente de l’institution lavalloise.


Rendu à l’intérieur, ce sont les spéciaux qui attirent l’attention. Le digne Fleuriste Louvain propose une aubaine effective en tout temps, SAUF à la Fête des mères et à la Saint-Valentin. Une bonne idée marketing puisque 0 personne sur 10 000 achète des roses à d’autres moments de l’année.


À en croire la rhétorique de cette affiche, le Fu Lam propose une aubaine à ne pas manquer. Pour 9,99$ tous les midis, le client peut partir chez lui avec 15% de son assiette, ce qui veut dire (suivant la logique d’un buffet) 15% de tout ce qu’il y a dans le resto.



En revanche, les enfants de 5 à 10 ans se font exploiter en devant obligatoirement payer DE LEURS PROPRES POCHES la moitié du prix d’un adulte - ce qui équivaut à au moins trois semaines de faisage de lit, de vidage de lave-vaisselle et/ou de sortage de vidange. Pas correct.



Heureusement, le spécial cuisse à 5,95$ est un peu moins cher. Reste à savoir c’est une cuisse de quoi.


Nouveauté gastronomique du Centre Duvernay : les fameuses crêpes à la dinde. Audacieux.


Audacieux, certes, mais pas autant que de goûter à une connexion internet sans fil à haut débit. 


Autre tendance marketing au Centre : la répétition. Ça a l’air que plus c’est marqué un peu partout, plus ça entre dans tête du monde. 






À chaque magasin son unicité et sa technique pour attirer la clientèle. Survol :

L’approche normcore, sans prétention.


Le jeu de mots énigmatique.


L’infographie cocasse.


Le club sélect de nains.


Le «talon minute» de Monsieur Alphonse.

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Les références à des émissions classiques de la télévision québécoise.

Diva :


L’Or du temps :


Une grenade avec ça ? :


Pour ceux qui se le demandaient, c’est bel et bien à ce modeste kiosque d’horloges de chevet que TOUTES les équipes de hockey/football/baseball sont conçues.


La modestie est également une valeur priorisée par le Centre Duvernay. Ce magasin, par exemple, sait très bien que les culottes qu’il vend ne méritent pas plus qu’une note de 40%.

 

Pour de l’action tangible, il faut absolument avoir 3-4 heures devant soi pour aller chiller solide au Hart. Ici, pas besoin de se casser la tête pour trouver quelque chose de nice à acheter. Suffit de se fier aux «valeurs sûres» que le magasin vous propose à bon escient.




En pleines rénovations, le Hart est d’un sublime magistral. 


Pour l’occasion, la section «cuisine» a été légèrement rapetissée.


Tout comme la section «jouets».


«Toutes les culottes de pyjama, je les veux icitte. Pas les anciennes, juste les nouvelles», lance le gérant à l’une de ses employées. La légendaire section sera déplacée ici-même, entre les serviettes de loup et les bas-collants. 

«La semaine passée, grosse semaine, on a vendu neuf paires de pantoufles», ajoute le gérant. 

Rarement a-t-on vu des «…» prendre tout leur sens.


Les éléments de décoration du Centre Duvernay impressionnent à bien des égards. Disparates, oui, mais élégamment post-contemporains. 






Et que dire de ce lounge feuillu qui surplombe le Dollarama ?


Enfin, les coulisses du Centre. La salle ci-dessous épate par sa trifonctionnialité : chambre électrique, salle de recyclage et aire de lecture.


Zoom sur le système électrique :


Poteaux en coin :


C’est d’ailleurs en prenant cette innocente photo que votre doux explorateur urbain ici présent s’est fait intercepter par le corps de sécurité du Centre Duvernay. 

Après un long interrogatoire et la vive menace de se faire supprimer l’entièreté de TOUTES ses majestueuses photos, votre serviteur s’en est sorti avec une excuse de haut calibre : «Je savais que j’avais pas le droit, mais je pensais pas que c’était grave.»

Heureusement, il était encore possible de photographier le savoureux décor extérieur.






Ligue Nord-Américaine de Hockey : batailles, bières, boules

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Après un bon 46 minutes de bus à partir du Métro Cartier, on arrive ici. Considérant que le Colisée abritait autrefois les frénétiques Chiefs de Laval, on comprend un peu mieux pourquoi y’a des barbelés sur la clôture.


Même si elle ne paie pas de mine, cette entrée a tout de moins le mérite d’être polie.


Un billet à 16$ pour une game de hockey nowhere, ça se prend beaucoup mieux quand ça vient avec un bock de BIERRE gratuit. Bravo pour l’initiative.


Quand y’a une faute dans le slogan de ton équipe sur les flyers que tu passes à l’entrée, ça veut dire que t’as ben fait ta job.


Comme si ce n’était pas assez, voilà que les promogirls du bar de danseuses lavallois Pink Paradise s’en mêlent. En plus d’agir comme premier CONTACT avec la foule (enfants inclus), les filles sont également autorisées à poser devant la caméra. 



En tout cas, on sait pas mal tous où la soirée va finir.


On va se le dire bien franchement : le corps de sécurité a du potentiel ce soir.


Enfin, la mythique patinoire. Ça commence dans seize minutes, pis déjà, les gradins sont pleins à craquer.


Quand l’audace est poussée jusqu’à l’injure, ça donne une affiche publicitaire avec une adresse Hotmail dessus.


Rarement l’expression «radio-poubelle» a-t-elle autant été pertinente.


L’échauffement est à peine entamé que, déjà, ce joueur se démarque par son nom d’inspiration salle de spectacle. 


Après avoir tiré 3-4 pucks à deux pouces de la face de tout le monde dans les gradins, les joueurs arrêtent de patiner pour laisser place au sprint effréné de ce coureur rapide et ultimement dangereux.


L’impétueux mix alliant de main de maître Creed, Nickelback, AC/DC et Rage Against The Machine laisse place à la solennelle cérémonie d’ouverture, teintée par le drame du Parlement d’Ottawa qui a eu lieu à peine deux jours avant. Pour l’occasion, Linda KING est invitée à faire son possible pour chanter l’hymne national devant l’unifolié. 


Pas de quoi impressionner les joueurs de l’Isothermic qui repartent donner des coups de patin avant même que la Linda ne termine son envolée. Intransigeant, le présentateur ordonne aux Thetfordois de reprendre leur place afin de participer à une minute de silence symbolique qui, tout compte fait, s’apparente plus à un 37 secondes de bruits ambiants diminués.

Après tout ce considérable hommage, on assiste enfin à la tant attendue droppée de puck.


55 secondes de jeu plus tard, une première bataille éclate. Le thème de Rocky en dit long sur le courage et le cran de ces jeunes joueurs.


Quelques minutes plus tard, une autre mêlée éclate pour une raison inutile toute aussi louable. «Le hockey, c’est une entracte entre les batailles», clame un fan conquis dans la foule. 

«Avoir su qu’elle avait le cancer, j’aurais organisé de quoi pour sa fête», en admet un autre, un peu moins épris par l’action.

Encore une fois, c’est la trame sonore de Rocky qui s’occupe de l’ambiance.


La haute gastronomie est à l’honneur à Laval. En plus d’un tirage moitié-moitié octroyant au gagnant un certificat cadeau de 20$ au Barbie’s Resto-Bar Grill, l’équipe des Prédateurs est fièrement commanditée par le Buffet des Continents, comme en témoignent ces délicieuses manches.


C’est en détournant bien tranquillement notre regard de la patinoire qu’on constate l’existence de cette table bleue haut perchée, dont l’utilité n’a pas encore été prouvée.


Première entracte : c’est 2-1 Laval et, de surcroît, c’est  le grand Medley qui a compté pour Thetford. 

Que demander de plus, mis à part un bon bouillon d’aréna ?


Pour ceux qui préfèrent s’en tenir aux bons vieux hot-dogs, le stand à condiments a solidement step up son game avec de nouveaux arrivages : le sucre, le poivre et, surtout, le lait.


Street Stylin’ 2019 : chandail jaune XXL, maillot de bain et bottes de construction.


Petit moment tendre en attendant la deuxième période.


Tirant de l’arrière, l’Isothermic commence à gosser les Prédateurs de plusieurs façons, notamment en sacrant des coups sur leurs bâtons.


Rien ne fonctionne, et l’écart continue de se creuser à la mi-chemin. 


Nouvelle technique fort inventive : rentrer dans le but pour déstabiliser le gardien, au grand dam des fans invétérés des Predz. 

«Y’a rentré dans le gardien TABARNAK !!», de déclarer l’un des plus féroces d’entre eux. «Qu’y’aille se faire couper la main, le grand tata!!»


Quand Dave Grohl a écrit Everlong, pas sûr qu’il s’attendait à ce que ça joue là, à ce moment précis.


Plus capricieuse, la zamboni, elle, ne veut pas avoir à dealer avec le filet problématique, toujours dans les jambes de tout le monde. On dépêche le meilleur employé de l’aréna pour se plier à ses exigences.


Deuxième entracte : l’appel des toilettes se fait sentir. Telle qu’attendue, la propreté autour du bol est de la partie.


De son côté, cette fin de tuyau s’avère des plus surprenantes.


Même si elle est très permissive au niveau des échauffourées, la LNAH est capable d’être stricte quand vient le temps de s’attaquer aux vrais problèmes : les joueurs effrontés qui osent apporter leur bière à l’aréna. 


Troisième période : ça devient plate parce que les joueurs commencent à jouer pour vrai et que les batailles se font rares. On sait pas trop comment c’est arrivé, mais à un moment donné, il restait deux minutes à jouer, pis c’était rendu 4-4.


Pas trop le choix d’aller en fusillade, donc.

Rapidement, les Prédateurs comptent. En guise de célébration, le gardien reçoit des coups de bâton sur les jambières, et la frénésie Pennywise gagne peu à peu les rangées de bancs, à commencer par la première.


L’Isothermic réplique du tac au tac.


Après quelques tirs ratés d’un bord et de l’autre, les Prédateurs mettent fin à la partie avec un but gagnant, filmé avec précision grâce à la légendaire caméra Coor’s Light.


L’extase terminée, le Colisée replonge dans sa solitude.


Au sortir, petite surprise de la part du toujours pertinent Pink Paradise, qui nous offre un autre flyer sucegestif.


Prochains rendez-vous au Colisée de Laval : ce vendredi 14 novembre contre le Blizzard de Trois-Rivières et le 28, contre le 3L de Rivière-du-Loup.


Soyez-y, sans faute.

Le centre d’achats du mois : Les Galeries Normandie

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Dans le parking, la police surveille un banc de neige. On est dans le nord, pis ça paraît.



Explication du banc de neige sale du parking : l’expérience thermale du Spa Orazio.


Après Exco, Adidos et Louis Vitton, voici le très honorable Café de la presse. 


En entrant, on passe tout de suite aux choses sérieuses : le Rossy.



C’est bientôt le Black Friday, et la folie du magasinage sauvage a déjà gagné le Québec, comme en témoigne cet étalage de coupe-ongles viré cul par-dessus tête.


Faites vite : les porte-bijoux en forme d’arbre commencent, eux aussi, à être victimes d’une soudaine popularité. 


Pour éviter de tomber dans le spleen de novembre, faut être en mesure de se laisser aller en s’offrant un petit plaisir de temps en temps. «Voulez-vous avoir des petits bonbons ?», demande une vendeuse à une cliente âgée proche de la caisse. «M’a prendre un chocolat Père Noël. Y’ont l’air bons… Sont importés de Toronto, Ontario.»

Ce papier de toilettes festif, quant à lui, a plutôt l’air d’être importé du Mexique.


EN PRIMEUR : l’item le plus laid qu'il y avait dans le magasin.


Comme d’habitude, faut se lever la tête presque jusqu’au plafond pour voir les slogans, toujours très recherchés, du Rossy.



En sortant du magasin rouge et bleu le plus tendance au Québec, un autre repaire indubitable de la mode nord-américaine nous frappe de plein fouet. 


Nouvelle stratégie marketing chez Point Zéro : faire croire aux clients qu’il pourrait y avoir éventuellement six morceaux de vêtements qui pourraient les intéresser.


Il fait bon se promener aux Galeries Normandie. En plus des murs beiges ternes qui ont fait sa renommée, on peut y contempler un feuillage touffu qui, tout compte fait, bloque un bon tiers de l’espace du corridor. Heureusement, ça change pas grand-chose au niveau ergonomique parce que, la plupart du temps, y’a personne.


Considérant l’achalandage général, il semble plutôt judicieux d’avoir uniquement acheté quatre tables pour agrémenter la cour alimentaire.


Afin de se rapprocher du peuple, la royauté utilise maintenant une adresse courriel Yahoo. 


EN PRIMEUR : le chariot officiel du concierge.


Pause confidence à la Librairie Monet. «C’est automatique : j’vois d’la barbe, pis ma voix suraiguë sort», admet une vendeuse de livres. «Profitez-en parce qu’un jour, j’vas être morte dans ma tombe.» 

À part ça, deux livres retiennent l’attention.



Côté littérature, le Dollarama ne laisse pas sa place. Ça vaut clairement la peine de payer 1$ pour guérir la dépendance de son enfant à la drogue.


Un vieux classique : se promener avec un serpent-jouet dans le magasin pis le dropper juste avant d’arriver à la caisse, dans l’allée des duo-tang.


Pièce de résistance des Galeries, le IGA s’est lui aussi mis en mode Noël en mettant de l’avant des formules qui redoublent d’originalité. 


EN PRIMEUR : un ourson en peluche qui chill avec un paquet de gommes dans un emballage cadeau.


Difficile de faire l’épicerie – vous en conviendrez – quand il nous manque des connaissances de base en alimentation. Aux prises avec une liste «compliquée», cet homme pose des questions pertinentes au téléphone :

«Quand tu dis ‘’de l’ail’, c’est quoi de l’ail ??»
«De la sauce à ribs, c’est tu de la sauce à porc effiloché ?»


Tendance forte aux Galeries : les propriétaires qui choisissent leur prénom comme nom de commerce. 

Ingénieux.





Même en face, au Centre Salaberry, la tendance se maintient.


Mention à la virgule qui ajoute un élément de poésie à la façade.


Adjacent aux Galeries, le Ciseau d’Or opte, quant à lui, pour une forme de poésie un peu plus exploratoire en offrant une alternative au terme «épilation». 


D’ailleurs, qu’en pense l’OQLF ?


Cryptocat, expliqué à tante Gertrude

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De nos jours, on se sent de plus en plus surveillés, avec raison! Que ce soit à travers la NSA ou autre agence de renseignement du genre, les gouvernements ont la capacité d’enregistrer toutes les conversations téléphoniques ou par Internet dans le monde.

Toutes? Peut-être pas. Certains logiciels permettent un certain anonymat, une certaine tranquillité d’esprit, afin de partager vos recettes familiales secrètes en vue du gros party du Réveillon. 

Tout ça grâce à ce qu’on appelle le chiffrement (ou l’encryption, en bon anglais). Et Cryptocat en fait partie. 

Le chiffrement, c’est quoi?
Le chiffrement, c’est un peu comme inventer un langage secret pour s’écrire. Quelqu’un qui ne connaît pas la clé pour remplacer chaque lettre, mot ou bout de phrase dans un texte ne peut pas deviner ce qui se dit. 

Votre appareil (ordinateur, téléphone ou tablette) crée automatiquement une clé au hasard, puis Cryptocat utilise la méthode de chiffrement AES-256, en plus d’utiliser SHA-512 pour le hachage. C’est-à-dire que juste pour accepter ou valider l’échange de clé, on doit déjà avoir la bonne combinaison, et on doit ensuite valider la clé elle-même pour déchiffrer le message.

Vous êtes perdus? Ne vous en faites pas, les ordinateurs aussi, lorsqu’ils tentent de déchiffrer la clé : ça leur prend des années… et parfois même des siècles. Ce qui revient à dire que personne ne parviendra à connaître les ingrédients de vos recettes familiales avant que votre tradition ne disparaisse à jamais.

Ça fait quoi, Cryptocat? On trouve ça où?
Cryptocat, c’est une extension pour les navigateurs Chrome, Firefox, Opera et Safari. Bref, ça s’installe à même votre navigateur préféré (vous avez remarqué l’omission d’Internet Explorer?), sur iOS, ou même sur Mac OSX. Il n’existe pas de version pour Android actuellement.

Cryptocat est très utilisé en Amérique du Nord, en Europe, au Brésil, en Russie, en Inde, en Chine et en Australie. C’est en Allemagne et aux États-Unis où l’on note le plus d’utilisateurs actifs.

Où est-ce qu’on le trouve? En tapant « Cryptocat » sur Google, Bing ou dans l’App Store, évidemment! 

Bon. Il y a aussi le https://crypto.cat qui devrait fonctionner. 

Une fois que Cryptocat est installé dans votre navigateur préféré (lire: pas Internet Explorer), vous n’avez qu’à lancer l’application et démarrer une discussion de groupe à même un onglet du navigateur, ou discuter via Facebook, avec vos contacts ayant aussi installé l’application. 

Pour démarrer une discussion de groupe, vous donnez un nom (idéalement assez complexe) à la discussion, puis choisissez un nom d’utilisateur. Les gens qui connaissent le nom de la discussion ou avec qui vous avez partagé le lien pourront ensuite discuter avec vous.

Une fois dans une discussion à travers l’application Cryptocat, lorsque vous tapez du texte, ce texte est chiffré (encodé, déguisé) avant de quitter votre ordinateur, puis est décodé chez votre correspondant, sur son ordinateur à lui. Personne, entre vous deux, n’est capable de « lire » vos échanges. 

Et c’est sécuritaire?
Cryptocat a gagné des prix, et a obtenu des scores parfaits (ou très élevés) lors d’évaluations indépendantes, dont la Secure Messaging Scorecard de l’EFF (Electronic Frontier Foundation), où 7 critères étaient évalués. Cryptocat les rencontrait tous, ce qui signifie que le projet est sur une bonne piste. 

Mais malgré toute la sécurité et le niveau d'anonymat que semble offrir Cryptocat, demeurez toujours prudent (voire un peu parano), car aucun logiciel n’est à l’abri d’une faille… ou d’un gouvernement prêt à tout pour obtenir de l’information.

Pour suivre les nouvelles au sujet de Cryptocat, vous pouvez vous abonner à leur page Facebook ou les suivre sur Twitter.

Crédit photo: Cryptocat Store + modifications Urbania

L’indépendantisme au temps de la répression : Le cas du Pays basque

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C’est au terme d’un voyage de huit heures en train que je suis finalement débarqué à Bilbao. C’est le cœur gros que j’ai dû quitter Barcelone, mais Bilbao aura tôt fait de me consoler! À l’instar de plusieurs autres villes européennes, les splendeurs architecturales de la ville basque ne sont pas sans nous rappeler qu’à Montréal, la vision et l’audace de nos promoteurs immobiliers et de nos élus en matière d’architecture font piètre figure. Enfin bref, inutile de tourner le fer dans la plaie, passons au vif du sujet.

Car, s’il est une raison pour laquelle je me suis rendu au Pays basque, c’est non pas pour profiter des plages chaudes et réconfortantes de San Sebastián, mais bien pour rencontrer de jeunes indépendantistes. Et tout comme en Catalogne, cette quête fut relativement facile! 

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Les similitudes entre le Pays basque et la Catalogne sont par ailleurs assez nombreuses. Outre le fait d’avoir vu un regain de leur mouvement indépendantiste au cours des dernières années, de posséder une culture et une histoire qui soient distinctes du reste de l’Espagne, ces deux États auront également fait les frais de la dictature de Franco pendant près de quatre décennies, ce qui, doit-on le mentionner, n’est pas sans avoir créé une certaine solidarité entre les deux peuples.

Toutefois, le cas du Pays basque est plus complexe que celui de la Catalogne. Le grand rêve des indépendantistes basques serait de fonder un pays avec les délimitations historiques du Pays basque, délimitations qui recoupent, entre autres, une partie du sud-ouest de la France.

En effet, le Pays basque traditionnel, c’est sept provinces réparties en trois entités politiques distinctes : le Labourd, la Soule, la Basse-Navarre (Pays basque français), la Biscaye, l'Alava et le Guipuscoa (Communauté autonome du Pays basque ou Euskadi) et finalement la Navarre. En somme, c’est un peu plus de trois millions de personnes réparties sur un territoire 80 fois plus petit que le Québec.

Or, si l’indépendance semble la voie privilégiée pour un nombre croissant de Basques espagnols, il serait faux d’en dire autant des Basques français. Il faut dire que la culture basque du côté français n’a pas résisté à l’usure du temps et au diktat des dirigeants politiques avec le même acharnement que du côté espagnol. La loi de 1902 interdisant l’usage de langue régionale et de patois en France y aura certes été pour beaucoup.

De plus, en ces temps d’incertitude économique, quitter l’Espagne, pays durement touché par la crise et par les récessions successives, est sans doute moins risqué économiquement que de quitter la France. Enfin, c’est ma perception des choses!

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Alors, verra-t-on un jour les trois entités politiques se réunir au sein d’un même État indépendant? Du moins, les Basques que j’ai rencontrés y croient. Alex, jeune militant indépendantiste, me disait que le plan de match le plus réaliste à l’heure actuelle serait l’indépendance de l’Euskadi (Pays basque espagnol), lequel tenterait par la suite, une fois indépendant, de convaincre ses confrères et consœurs de la Navarre et du côté français de les rejoindre au sein de cette nouvelle entité basque. D’une certaine façon, on espère que les vapes de la liberté seraient si douces à humer que d’aucuns ne pourraient y renoncer.

Beau projet en perspective, mais encore faut-il que les indépendantistes basques prennent le pouvoir. Car historiquement, le principal obstacle au mouvement indépendantiste basque a été d’exister politiquement. En effet, chaque fois que des partis politiques ont tenté de se former, le gouvernement espagnol les a déclarés illégaux sous prétexte qu’ils auraient entretenu des liens avec le groupe armée ETA (Euskadi Ta Askatasuna, ce qui veut dire le Pays basque et sa liberté).

Depuis trois ans toutefois, l’ETA, qui est tenu pour responsable de la mort de 829 personnes en 50 ans de lutte armée pour l’indépendance du Pays basque, a renoncé définitivement à la violence. En effet, il est désormais acquis chez une majorité de Basques que la lutte à l’indépendance devra passer par des moyens démocratiques. Conséquemment, cette renonciation à la violence a amené 6 juges sur 11 du Tribunal constitutionnel espagnol à se prononcer, en 2012, sur la légalisation d’un de ces partis, le Sortu

C’est d’ailleurs dans ce vent de légalisation qu’aux dernières élections, la coalition Euskal Herria Bildu (qu’on pourrait traduire par Réunir le Pays basque) a réussi à faire élire 21 députés indépendantistes sur 75 au Parlement basque. Pas mal pour un nouveau parti!

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Certes, l’indépendance du Pays basque n’est pas pour demain. Alex me disait qu’il s’agissait d’un objectif à moyen ou long terme, échéance que l’indépendance (prochaine?) de la Catalogne pourrait toutefois accélérer. C’est donc avec beaucoup d’intérêt (et de déception) que les indépendantistes basques ont suivi les processus menant au référendum en Écosse et à la consultation populaire en Catalogne. 

Or, d’ici à ce que survienne le Grand soir, les Basques en sont à préparer le terrain. En effet, bien que Bilbao ne soit pas la ville où l’appui à l’indépendance soit le plus marqué, il n’en demeure pas moins qu’il est plutôt difficile d’ignorer la présence d’un fort mouvement prônant l’indépendance de la région.  

En ce sens, Adriano, un Basque habitant aujourd’hui au Québec, m’a offert une visite privilégiée du Bilbao indépendantiste. Au menu, soirée musique-poésie (avec en prime un cover en basque de Marianne de Leonard Cohen), bouffe et boissons locales et bien sûr, bar indépendantiste (le nom du bar était le Herriko taberna ce qui veut dire La taverne du peuple)!

Souvent présents de façon assez discrète, les bars indépendantistes basques ont ceci de particulier qu’ils s’affichent ouvertement en faveur de l’indépendance, mais aussi en faveur de l’obtention d’un statut de prisonnier politique pour les anciens membres de l’ETA aujourd’hui derrière les barreaux, statut qui, on l’aura deviné, est refusé par Madrid. Adriano m’expliquait que les indépendantistes basques luttent depuis longtemps pour que Madrid reconnaisse la nature politique du conflit ce qui permettrait aux prisonniers, entre autres choses, d’être incarcérés plus près de leur famille.

En ce sens, afin de démontrer leur soutien aux Basques emprisonnés, les murs des bars sont couverts de « photos » de prisonniers politiques basques. En fait, je dis photos, mais je devrais plutôt dire dessins. Jadis, les bars affichaient les photos des militants indépendantistes incarcérés, leur date de naissance ainsi que leurs adresses en prison de façon à ce que les sympathisants puissent leur écrire des messages d’encouragement et de soutien. Toutefois, au cours des années 2000, le gouvernement espagnol a interdit cette pratique et a fermé de nombreux bars « indépendantistes » pour cette raison. Or, de façon à contourner la « loi », on retrouve maintenant des dessins représentant le visage des prisonniers, manœuvre que tente d’interdire, encore une fois, le gouvernement espagnol.

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En somme, si au Canada les fédéralistes tentent d’anéantir le mouvement indépendantiste québécois à coups de drapeaux canadiens, de Minute du patrimoine et de lois sur la clarté qui n’a de clair que le nom, on est dans un tout autre registre en Espagne. Mes trois semaines en Catalogne et au Pays basque m’auront permis de constater que la démocratie est déficiente à bien des égards au pays de Dali et de Picasso. En fait, l’État espagnol aime se dire démocratique, et l’est sans doute à bien des égards, mais ce, seulement lorsque le peuple est d’accord avec ses dirigeants. 

Dans le cas contraire, la répression et la négation deviennent les réponses aux contestations. J’ignore combien de temps encore le gouvernement espagnol pourra refuser le droit d’exister à des peuples qui, de façon légitime et démocratique, veulent se prononcer sur leur destin collectif. Le cas de la Catalogne sera en ce sens très intéressant à suivre dans les prochains mois. Le président catalan Artur Mas a ouvert les négociations dernièrement avec les autres partis indépendantistes dans le but de déclencher des élections plébiscitaires dans la prochaine année. 2015 pourra donc nous donner certaines réponses.

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Pour ma part, c’est la fin de mon périple dans les régions indépendantistes d’Europe. Je n’aurai donc pas assisté à ce que plusieurs entrevoyaient il y a encore quelques mois, c’est-à-dire l’Automne des peuples, ce « grand » mouvement de libération nationale qui, porté par les espoirs de plusieurs, devait se solder par l’indépendance de l’Écosse et de la Catalogne. L’année 2014 se terminera donc comme elle a commencé, c’est-à-dire avec 193 pays.

Je terminerai donc avec les remerciements d’usage. D’abord, un gros merci à mes amies Julie Veillet et Karine Noel, la première ayant accepté bénévolement de corriger, critiquer et commenter mes textes, et la deuxième m'ayant obtenu une commandite pour ce voyage, commandite qui m’aura ainsi permis de m’enivrer davantage en vin rouge et en whisky.

Ensuite, je remercie Urbania de m’avoir offert cette plateforme. J’avais prévu depuis longtemps tenir un blogue pendant ce voyage, mais Urbania m’a permis d’étendre mon lectorat au-delà de mes amis et de mes connaissances! 

Enfin, je tiens sincèrement à remercier tous ceux et celles qui, de près ou de loin, ont bien voulu discuter indépendance avec moi et qui m’ont transmis l’attachement à leur région. Pour plusieurs, le combat pour l’indépendance continuera en 2015 avec une fougue similaire à celle qui les a animée dans les dernières années. Pour d’autres, comme les Écossais, l’heure est maintenant au bilan et la « redéfinition » d’un plan pour la suite des choses.

Un ancien premier ministre québécois disait un jour qu’il vient un temps où, pour un peuple, le courage et l'audace tranquilles deviennent, aux moments clés de son existence, la seule forme de prudence convenable. Si pour l’actuel gouvernement québécois ce courage et cet audace tranquille semblent se traduire par des compressions et des mesures d’austérité, lesquelles sont érigées hypocritement en projet de société, les derniers mois m’auront au moins permis de constater qu’il existe encore des peuples qui savent rêver.


Hobes Hernandez, pirate de Montréal

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Pourquoi vous habillez-vous en pirate?
À l’âge de cinq ans, j’ai perdu une jambe dans un accident d’auto. Je me faisais beaucoup regarder pour ça. J’ai eu envie de faire un personnage de moi-même avec ça. Depuis ce temps-là, les gens me regardent aussi, mais pour d’autres raisons. 

Quand est-ce que ça a commencé?
J’ai commencé il y a 20 ans à me déguiser en pirate pour l’Halloween. Les gens trouvaient mes costumes très originaux. Une fois, même, je m’étais fait une vraie jambe de bois. Mais depuis sept ans, je m’habille en pirate tous les jours. Je fais tout en pirate. Ça fait partie de qui je suis. 

Quelle est la réaction des gens quand ils vous voient? 
Ils trouvent ça original. Il y a des gens qui pensent que je suis fou, mais ça ne me dérange pas. Sauf que pour trouver un appartement, c’est plus difficile. Et à l’aéroport, quand je me promène avec mes fausses armes de pirate, ça ne passe pas vraiment. Je dois les mettre dans ma valise. 

Est-ce que c’est bizarre pour la personne qui partage sa vie avec vous?
Je suis un pirate célibataire! Je ne suis pas disponible pour une femme, je suis disponible pour toutes! On est comme ça les pirates, on aime une vie courte, mais remplie de plaisirs! 

Est-ce qu’il vous arrive de lâcher un «arrr»?
Non, ça ne me ressemble pas. Je ne porte pas non plus de patche sur mon œil, parce que je n’en ai pas besoin. Il m’arrive de le faire quand on me le demande pour un contrat ou une fête d’enfants, mais sinon, c’est pas moi. 

Est-ce que vous faites d’autres activités de pirates, comme chercher des trésors ou attaquer des bateaux? 
Le trésor, je l’ai trouvé à l’intérieur de moi : la paix. Pour le reste, tous les immigrants comme moi sont des pirates, parce que si tu regardes la définition de ce qu’est un pirate, c’est quelqu’un qui voyage pour trouver une meilleure vie. Moi, ici, j’aimerais ouvrir un musée de pirates. 

Et il y aurait quoi dedans?
Des armes, des boulets de canon, des trésors. Ça prend de la place et il m’en manque! 

Et votre affiche de pirate, c’est pourquoi?
C’est pour me faire de la publicité pour les fêtes d’enfants. Mais aussi pour mon plaisir parce que j’aime beaucoup mon personnage. Je m’aime trop!

Photo: Daphné Caron

La pourriture : Récit d'un espion (2e partie)

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Emile Jutras-Laframboise raconte dans le magazine URBANIA spécial Anonymat son infiltration dans l'univers des grandes-surfaces.



Ensuite, je vais trouver sa vieille mère, me cracher dans la paume et lui retentir une bonne gifle pour avoir élevé une telle pourriture d’être humain.   Faut toujours garder une distance émotive, me disait le patron.  Rester froid et objectif.  Mais pas cette fois.  Pas pour lui.  Dans le cul.  Je vais lui monter la facture la plus salée de sa vie.
     
Moi aussi je croyais que ce serait tout.  Un truc de jeunesse, à vivre une seule fois.  Comme voter pour le Bloc Pot.  Mais la vérité est que, honte à moi, j’ai aimé l’expérience.  Le défi, l’adrénaline.  Et le magot que j’y ai récolté en empochant deux salaires.  J’ai pu acheter mon sofa bleu.  Celui sur lequel je roupille parfois, lorsque l’amoureuse tient à me raconter sa journée.  Le patron en était ravi.  Il souhaitait me voir renouveler le plus tôt possible.  Et comme tous les sofas bleus du monde se sentent seuls sans téléviseur à écran plat, je n’ai pu que replonger.    

En région ?  Oui, à quelques heures de Québec.  Un bel endroit, d’où tu pourras admirer le Fleuve qu’il me dit.  Et j’habiterai où ?  T’inquiète pas, tout est arrangé.  On t’a loué une maison, un truc meublé, avec piscine.  La grande classe.  Et le boulot lui-même, c’est quoi ?  Préposé aux bénéficiaires.  J’en suis perplexe, avec le pli de front pour appuyer.  Préposé du genre à couper les ongles d’orteil d’un vieux après lui avoir donné son bain ?  Le patron hoche.  Une noble profession qu’il ajoute.

Ça exige un cours classique en accéléré.  Un condensé de compétences que je prends deux semaines à parfaire.  Me dis-je qu’à ce rythme, on ferait de moi un avocat de la défense valable en moins d’un an.  Me voilà donc professionnellement adéquat.  S’agit maintenant de préciser la mission, la cible.  Que le patron me montre le bobo.  

Il n’y a rien de très concret qu’il précise.  Comment rien ?  Je fais quoi alors ?  Je vais te le dire.  Tu vas entrer en douce, faire ton boulot, puis devenir la putain de vedette de cet hôpital.  Tu vas devenir le roi de la montagne, le chef de la meute.  Le président de la classe, tu piges ?  Oui, mais je le fais comment ?  À toi de me le dire qu’il répond.  Prends les moyens qu’il faut.  Séduit-les, charme-les.  Vas-y comme tu veux.  Ensuite, tu ouvres tes yeux et tes oreilles.  Et tu renifles un bon coup.  Et de là, tu me fais un rapport quotidien.  Y’a des trucs pas nets à cet endroit, et je veux que tu puisses m’en extraire toute la morve.  Ça me paraissait aussi clair qu’un jus de pruneaux.

La maison, en effet, met un baume sur mes incertitudes.  Un lieu magique, à trois chambres à coucher, trois salles de bains et deux cheminées.  Une centenaire aux abords du St-Laurent qui contraste drôlement avec mon demi-sous-sol de la rue Berri.  Pas mal du tout.  Je me surprends à vouloir inviter mes potes.  Et des gonzesses.  Après tout, on n’emprunte pas une Ferrari pour la laisser dans le garage.  Mais rapidement, je reviens à mes oignons.  Un hôpital.  Je commence demain.  Le quart de travail du soir.  Je vais rater Piment fort. 

C’est à la quatrième semaine que j’ai fait un peu de bruit.  Les gens étaient sympas, pour l’ensemble, mais j’étais loin de mes objectifs de vedettariat.  Jusqu’à ce que, sans le vouloir, j’étire ma pause-repas pour me rendre à la toilette.  Le superviseur en a pris note, et le soir même, devant les autres préposés rassemblés avant le départ, m’en a fait le blâme.  Devant public.  MON public.  Ça m’a comme qui dirait noué le sentiment d’humiliation, ce à quoi je devais répondre, question de ne pas perdre la face.  C’est « va chier » qui est sorti.  Pas violemment, non, mais un va chier tout de même.  Fallait entendre  le silence.  Les gueules ouvertes, sans mot.  Qu’est-ce que t’as dit ?  J’ai dit va chier, si t’as un problème avec mes pauses ou avec mon travail en général, aie la décence de me le dire en privé, plutôt que de me rabaisser devant tout le monde.  Le superviseur en a rapetissé d’un mètre, et a disparu dans le couloir pendant que les employés commençaient à se diriger vers l’extérieur.  

Célébrité instantanée vous-dites ?  J’en suis devenu une légende.  Après coup, pas un soir ne  passait sans une invitation pour un verre ou pour un repas.  J’avais terrassé Goliath.  Les plus vieux s’en souviennent encore.  Et j’acceptais avec le sourire.  Le petit bar de la rue principale en est devenu mon repère, mon oasis.  Et c’est là où la puce m’a sauté à l’oreille.

Un des préposés s’appelle Steve, un type primitif et bruyant, mais avec une mollesse de caractère qui lui coule des aisselles.  Un malpropre qui paye comptant par liasse, invitant les collègues à des tournées sans fin de shooters de région, laissant sa barmaid préférée ensevelie d’un pourboire trop gras.  Ça me titille.  Le pognon de Steve autant que la barmaid.  Je connais déjà son salaire, mais puisque les gens grossiers tendent à se vanter de leurs avoirs, Steve me dit tout sur sa maison, son Pick-up, sa moto, son VTT, son Ski-doo et sa Corvette décapotable.  Un viril que je vous dis.  Et un viril qui vit beaucoup trop pour ses moyens.  C’est donc ma première piste.  Je me mets à le talonner, à le suivre dans ses beuveries.  Je m’allume de la liqueur d’aneth dans la bouche, pour l’amuser, et lui fais de la grivoiserie en forme de blague, ce qu’il adore.  Le dilemme, quant à Steve, est cependant de choisir entre devenir son subalterne, ou assumer mon rôle d’étalon et prendre la tête.  La psychologie est importante ici, car il serait facile de me le mettre à dos, d’en faire un rival si je me mets à piler sur ses gros pieds d’argile.  Je n’ai pas eu à choisir, au final.  La barmaid l’a fait pour nous.  Ouais, encore une fille.  Encore une alliée sans le savoir, un accès au vestiaire des hommes par celui des femmes.  Freud vous l’expliquerait sans doute mieux que moi.  Elle s’est amourachée.  De moi et de mes pitreries.  De mon exotisme de jeune homme de la ville, aussi.  Ça crève les yeux de tout le monde, y compris ceux de Steve, qui n’a d’autre choix que de s’incliner devant plus chromé que lui.  Le roi est mort, vive le roi.  Et le superviseur qui nous installe sur la même aile puisqu’il nous déteste tous les deux, et qu’il souhaite nous avoir le plus loin possible de son bureau.  Exactement là où je veux être.
  
Le boulot de préposé en est un qui vous gonfle d’humilité.  Jour après jour, vous aidez des gens jadis solide, jadis pimpant dans l’accomplissement de leur besoin primaire.  Vous les aidez à faire des trucs que l’on tend à considérer comme acquis.  Et la tristesse devient votre compagnon de route.  Je suis un espion, mais surtout un homme.  Un homme tout comme lui, Monsieur Langevin, robuste en son temps, ex-bucheron et père de treize enfants, réduit à se faire laver les fesses par un inconnu, sans trop d’amour ou de délicatesse.  On discute parfois, lui et moi.  De sa vie, de la mienne.  Ça me touche.  J’aurais aimé le prendre dans mes bras, le réconforter.  Je ne l’ai jamais fait.  Je l’ai vengé, par contre.

Steve veut me plaire, m’impressionner.  Il y va à grande léchée depuis sa destitution par la barmaid.  Il me montre sa cachette.  Une petite trappe d’air derrière le lavabo de la conciergerie.  Deux vis à tête plate et bingo.  Le trésor.  Une chaine en or, et une bonne pile de billets.  Ça, c’est la cagnotte de cette semaine qu’il me dit.  Il compte l’argent devant moi.  575 $.  La chaine, j’en obtiendrai un autre 200 $.  Il met le tout dans un petit sac en plastique, et se le fourre en poche.  C’est ma tournée ce soir, qu’il dit.  C’est ta tournée tous les soirs que je corrige.  Il sourit.  Et t’as pris ça où mec ?  Viens, je vais te montrer.  Y’a une nouvelle patiente dans la 312.  Toi, tu t’occupes d’elle, et moi je fais le reste qu’il me dit.  Dans la chambre, une vieille dame en piteux état, abimée par la vieillesse.  Steve prend son dossier.  Madame Chaput, c’est l’heure d’aller à la toilette.  Elle acquiesce, et se lève péniblement avec mon aide, se trainant la carcasse jusqu’à l’étroite salle de bain.  Je la tiens pendant qu’elle baisse son pantalon.  Elle tremble comme une feuille.  À moitié nue, elle gémit de douleur juste à se mettre en position.  Je lui demande si ça va.  Elle fait oui.  Je me sors la tête de la salle de bain.  Steve est là à lui faire les poches.  J’en reste ahuri.  Le culot de ce type.  Telle une petite crapule de fond de ruelle, il lui fait les poches.  Ses vêtements, son sac à main.  Il tire quelques billets en me regardant.  Il est si fier, ce gros porc.  Je retourne à la dame qui en a terminé.  Je l’aide.  Je la ramène à son lit.  Elle ne se doute de rien.  Elle nous remercie pour notre dévouement.  Steve lui fait des façons.  J’ai un peu envie de vomir.  De me battre, aussi.  D’extérioriser cet atroce sentiment d’abus, d’injustice, de lâcheté qui me tenaille le digestif.  Il vole une dame âgée, malade, probablement pauvre et seule.  Un champion.  Et moi, je dois le féliciter.  Dieu que ça va sonner faux.  Bravo Steve.  Combien t’as eu ?   Il me montre les 80 $.  T’es rusé que je lui dis.  Il est content,  comme l’enfant qui montre son dessin à papa.  Il m’explique que l’idéal, c’est les gens âgés en occupation simple.  Parce que les gens âgés, contrairement au plus jeune, n’adhèrent pas au concept d’achat par carte, et conséquemment, tiennent encore beaucoup de liquide.  Sans compter qu’ils sont un peu dans la brume, pour la plupart, ce qui facilite les choses.  Brillant.  Une belle théorie.
 
Le médecin de garde est avec moi.  Il est chouette.  On échange des paroles.  Il me parle des patients de l’étage, de cet homme à qui il n’en reste plus pour longtemps.  Une histoire affligeante où aucun de ses enfants n’est venu le voir mourir.  Un naufragé de la famille.  Triste, en effet.  Et c’est lequel ?  La 329 qu’il dit.  Merde, Monsieur Langevin ?  Oui.  Ça me fout un frisson, un truc froid qui me longe le vertical.  Une question de jour ajoute le toubib.  Je ne sais que dire.

Écoutes vieux, y’a un type qui va crever dans la 329.  Je n’ai jamais osé me le faire parce qu’il est trop alerte.  Encore trop lucide.  Il me regarde bizarrement.  Mais toi, il t’aime bien, alors on devrait y aller.  Non.  Juste non.  Le patron dira ce qu’il veut, mais à ce moment précis, l’espion disparait.  J’ai dit non.  Mais pourquoi, il est plein de frics ce vieux tas d’os !  Steve, il va mourir.  Et alors !  Alors je ne volerai pas un mourant.  T’es chiant mec !  Steve se révolte.  Il est furieux et quitte le local.  M’en fiche.  Je veux m’en aller.

Le lendemain, je fais intrusion dans la chambre de M. Langevin.  Je lui demande s’il a besoin de quelques choses.  Oui ma bague.  Juste là sur la commode.  Un cadeau de mon grand-père que j’adorais qu’il murmure d’une voix faible.  Tu sais, je vais mourir.  Mon tour de piste est terminé.  Un homme extraordinaire, mon grand-père.  Je pars le rejoindre, et je veux porter cette bague pour le grand saut.  Je comprends M. Langevin, je comprends.  Je lui tends la bague, mais il ne la met pas à son doigt.  Il la garde dans sa paume, serrée.  Elle me fait mal parce que mes doigts sont enflés qu’il m’explique.  Je la mettrai au dernier moment.  Je lui sers un verre d’eau, et quitte la pièce.  J’ai une poussière dans l’œil.

Hey vieux !  Faut que tu viennes voir !  Steve sautille comme une truite.  Il m’ouvre la cachette.  Tu sais le vieux de la 329 ?  Celui que tu ne voulais pas voler parce qu’il mourrait ?  Et bien tu vas regretter.  Regarde-moi ça.  Le vieux avait 400 $ dans sa poche !  400 $ d’un coup !  Et regarde !  Steve me sort la bague de M. Langevin.  Je vais exploser.  

Pour le reste, laissez tomber.  L’espion, le vol, les rapports détaillés, les pièces à conviction, la perte d’emploi, l’arrestation.  Laissez tomber.  Ne vous attardez pas non plus sur l’enflure des jointures de ma main droite.  Ni sur les questions auxquelles j’ai dû répondre à propos des bosses sur le visage de Steve.  Pas plus que sur la chaudière de réprimandes du patron, et de mon renvoi potentiel de l’agence.  Oubliez tout ça.  Il y a des trucs plus importants, plus essentiels.  Comme monsieur Serge Langevin qui est mort le soir du 18 août 1997.  

Et avec sa bague au doigt. 

Illustration: Emory Allen

Des prismes pis une fête foraine dans le Quartier des spectacles

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Au sortir du métro Place-des-Arts, sur Jeanne-Mance, les prismes fluorescents contrastent avec la neige et le bloc grisâtre d’en arrière.


Conçue par Raw Design, Prismatica est une installation de 50 prismes colorés qui s’apparente à un genre de kaléidoscope géant. «On était intéressés par l’idée de fragmenter la lumière en différentes couleurs», relate le directeur artistique du projet, Pierre-Alexandre Le Lay. 

Lorsque pivotés, les prismes laissent entrevoir leurs deux vertus interactives : refléter des couleurs et faire bouger des carillons. «C’est tellement beau ! En plus, ça fait plein de ‘’gling gling’’», résume cette madame, qui profite de l’occasion pour filmer sa fille qui court avec son iPad. 


Au lieu de regarder les prismes directement avec leurs yeux, la plupart des gens préfèrent les regarder par l’entremise de leurs appareils. D’autres poussent l’audace encore plus loin en admirant l’installation à travers le dispositif de quelqu’un d’autre.

 

Photo de profil ?


Un regard qui en dit long.


«En général, les gens ont beaucoup de questions, mais y’ont l’air de comprendre», indique le préposé à l’accueil, avec optimisme. 

Impulsif dans son approche, cet enfant anglophone ne ressent pas le besoin de se questionner, préférant faire tourner le prisme à toute vitesse comme un acharné. «THAT’S NICE! THAT’S SEXY!» hurle-t-il à répétition, devant ses parents abasourdis.


Plus opportunistes, certaines personnes profitent de l’ambiance lumineuse et récréative de Prismatica pour flirter comme bon leur semble. «C’est très random comme rencontre, mais c’est une belle occasion de vous fixer les yeux. Vous êtes toutes les deux vraiment très intéressantes», lance à deux femmes un  tombeur chauve qui se dirigeait vers un vernissage. «J’ai des évènements-champagne de temps en temps. J’pourrais vous inviter la prochaine fois.»


Bref, toutes les raisons sont bonnes pour venir faire pivoter des prismes lumineux.

«C’est beau, mais c’est pas facile à parcourir avec 90 kg de cidre dans le sac à dos», met en garde une dame avec justesse.


Direction métro Saint-Laurent pour la deuxième installation de cette cinquième édition de Luminothérapie. Créé par Lüz Studio, le Fascinoscope ici prend la forme de quatre jeux interactifs inspirés de grands classiques de la fête foraine : les fulgurantes machines volantes, le maître de l’illusion, les poulets en cavale et, surtout, le charmeur de serpents. 

Dans le but de dresser son serpent le plus haut possible pour faire sonner une cloche, le prétendant au titre doit frapper du plus fort qu’il peut sur un ballon-poire muni de capteurs. Pour ajouter au dynamisme de l’activité, le préposé à l’accueil se livre à de vifs et fougueux encouragements.


«On cherchait un thème pour faire en sorte que les jeunes et les vieux puissent y jouer, pas quelque chose de trop intello», explique le directeur artistique de l’installation, Matthieu Larivée. «C’est cette volonté-là qui nous a amenés vers le monde forain. Le ballon-poire, de son côté, ajoute quelque chose de typiquement québécois et, donc, de rassembleur.»

Considérant qu’une bonne majorité des passants s’arrêtent automatiquement (ou presque) quand ils voient au loin la silhouette du ballon-poire, on peut dire que le pari est effectivement gagné. 

Photo: Cindy Boyce

Perdante au début, cette dame effectue une remontée spectaculaire et remporte la partie des fulgurantes machines volantes. «Sacre, esti ! Écoute, j’ai même pas vu ce que je faisais, je regardais juste mon ballon en frappant fort dessus», dit-elle, encore secouée par son exploit.


Pour complémenter le jeu interactif, sept façades de vidéoprojection ponctuent le Quartier des spectacles et ses rues adjacentes. Chacune est accompagnée d’une musique électro enivrante post-fête foraine. Sur l’esplanade de la Place des arts, drette sur le Théâtre Maisonneuve, on peut admirer La Lanterne magique.


En fait, on nous annonce tellement de projections un peu partout au Centre-Ville qu’on finit par ne plus savoir ce qui en est une ou non. 

À la Place de la paix, la projection qu’on nous a concoctée est particulièrement impressionnante. 

Photo: Cindy Boyce

Et que dire de cette fabuleuse projection, en plein dans le ton pour les festivités de Noël. 


Pis ça, c’est vraiment nice.



Le centre d’achats du mois : les Galeries Lachine

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Sur la rue Victoria qui longe les Galeries, on constate une influence anglo-saxonne assez forte. Un gros 2 piasses que c’est l’Office de la langue française, elle-même, qui est venue défaire la face à cette pancarte-là.



Pas de quoi ameuter la gang de paniers jaunes juste en face qui s’est organisé un gros chilling de fin d’après-midi dans le stationnement. Props à celui du fond qui s’est pas gêné pour aller pisser dans le banc de neige.


S’ils ont jugé bon coller une flèche sur l’immense structure de brique qui annonce déjà assez clairement le centre d’achats, ça veut dire qu’y a déjà des gens qui se sont trompés et qui sont, par exemple, allés se parker drette dans le rayon des surgelés du Maxi.  Fascinant.


Juste avant de franchir la porte d’entrée, cette affiche publicitaire au goût du jour, datant sans doute des belles années de la STCUM, donne le ton. 


Cette modeste clinique dentaire agit comme premier contact avec les 12 clients des Galeries, en ce samedi après-midi d’avant-Noël. Un «8» ou un «6» ? Les paris sont ouverts.


Même si les clients ne courent pas les corridors, l’organisation du centre d’achats ne délaisse pas pour autant la frénésie des fêtes et n’hésite pas à nous bombarder de décorations enguirlandées et de musique de Noël blastée dans le tapis. Mention au Urban Style qui, lui, n’a pas plié et continue de faire vibrer son rap de jeunes adolescents urbains à grand déploiement.


Oubliez le Carrefour Laval : ici, y’a pas de file pour voir le père Noël pis, en plus, personne va te juger si tu décides de rester en pyjama. 


Petit survol des établissements dignes de mention, à commencer par ce magasin de vêtements pour femmes qui a délibérément choisi de féminiser son nom en dépit de toute logique grammaticale.


Scaff était pas down avec cette succursale-là, donc il s’est retiré du dossier. Sage décision.


Dans la lignée des jeux de mots édifiants, Tabacs. J a certainement sa place. 


La classification dans le rayon des revues est particulièrement notable ici. 

La section Actualités : des chars.


Adolescent : de l’astronomie pis des guns.


Intérêts féminins en 2014? Des chats, des chevaux pis des oiseaux.


AVIS D’INTÉRÊT PUBLIC.


Suggestion de cadeau dernière minute du Tabacs. J : des livrets de reçus à 50% de rabais. Si vous feelez YOLO, y’a des acétates aussi.


Solution pour camoufler le fait que ta collection de vêtements date de 1996 : inscrire «Mode» sur ta bannière d’entrée.


Vu que le prix du baril de pétrole fluctue actuellement, le Gaz Inn doit être conséquent avec son nom et baisser le prix de son linge. 

Somme toute, les spéciaux épatent par leur capacité à ne pas prendre en compte la récente inexistence du sou noir. 


Une deuxième cravate à 1,01$. Qui dit mieux ?


Quand baisser les prix ne suffit plus, on rajoute un «WOW» bien senti pour teaser le client.


Même phénomène observé du côté du muffin anglais déjeuner au restaurant Pik-Nik, qui git comme un prince entre le Ardène et le Dollarama.


À 14 secondes de marche de là, au gracieux et vénérable Rossy, la folie du «WOW» est à son comble. 


S’il y a deux mots qu’on ne pensait JAMAIS utiliser pour qualifier des napkins, c’est bien «élégant» et «WOW». 


Du «linge de maison de Noël» ???????????????


Toujours nice d’acheter des produits qui, en plus de pas être remboursables, pourraient ne pas «fonctionnés».


Heureusement, le Rossy a une bonne politique de vol à l’étalage : seul le matériel électronique ne peut être emporté au-delà des caisses.


La mode pour toute la famille selon Rossy : des pantoufles roses et des crocs. 


À quel âge ça peut être cool de recevoir une chaise à Noël? 

Inbox.


En fin de journée, la folie des Fêtes prend légèrement d’assaut le Dollarama, aux prises avec un solide bumrush au niveau de ses sacs Ziploc. 


Vers la sortie ouest des Galeries, plusieurs magasins attirent l’attention par le niveau de prestige présupposé par leur nom. 


Ce qui est cool, c’est qu’il y a des t-shirts aussi.


Point culminant de l’expérience des Galeries Lachine : l’emblématique Québérac.


Renommé pour sa poutine, ses «festivals de pâtes italiennes» à l’année longue, son buck à 2,75$ en début de soirée et son ambiance survoltée assurée par des vieux routiers sympathiques, ce déli-bar s’impose dans l’ensemble du quartier, notamment grâce à ses soirées karaoké avec la chanteuse-animatrice Izabel.


Aperçu partiel du «stage» qui vous attend chaque samedi soir.


Assis au bar, les habitués de la place se confient. «Le monde me demande pourquoi j’vas pas en bas vu que la bière est moins chère. C’pas compliqué : moé, quand j’monte en haut, j’fais de l’exercice!» relate une dame en santé à propos d’un autre établissement du coin, avant de s’allumer une tope proche de la porte. 

Un peu plus loin, les jeux du hasard ont la cote. «J’suis en train de penser à mon grand-père, fait que la torieuse est mieux de cracher», confie un homme à haute voix à propos de sa machine, enchaînant plusieurs «Enweille la grosse !» au passage. 

Un peu plus loin, une dizaine de génies jouent au poker avec une fougue considérable. En primeur, les voici :


Avis aux intéressés.


En sortant du centre d’achats, on obtient finalement la réponse tant attendue. 


Bravo à ceux qui avaient vu juste.


Dehors novembre : Un mois sans appart

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C'est le genre de situations un peu surréalistes qui surviennent quand tu décides que, pendant un mois, tu mets la clé dans la porte de ton appart et tu pars vivre dans ta voiture, incognito, pour voir.

Pas « survivre » dans ta voiture, non. Vivre, comme d'habitude. En travaillant, en voyant des amis, en allant souper au resto en gang, en continuant loisirs et implications. Certains font un mois sans voiture, un mois sans télé, un mois sans alcool. Ben c'est ça, un mois sans appart.

Au Québec, c'est pas un mode de vie courant et ça se comprend. Mais à Los Angeles, par exemple, le prix astronomique des loyers combiné à la température clémente fait en sorte que certains choisissent (ou n'ont pas trop le choix) d'adopter ce style de vie de manière permanente. À un tel point que des communautés en ligne s'organisent, que le fait d'habiter dans sa voiture a été décriminalisé à LA, et que les Walmart prêtent ouvertement leurs parking à des gens qui vivent ainsi. Vraiment rien d’impossible, donc.

Confession : je suis un peu fan des modes de vie atypiques. Les gens qui vivent dans les tunnels de métro abandonnés, dans les bois, dans des mongolfières ou dans des squats, ça me fascine. Évidemment personne ne souhaite être contraint à vivre ainsi, mais ceux qui y parviennent ont toute mon admiration.

Ce n’est alors pas étonnant que ce genre de nomadisme moderne ait piqué ma curiosité, et en plus, c’était ridiculement accessible. Je pouvais décider de l'adopter du jour au lendemain sans que ça me coûte une cenne, et c’était révocable assez facilement. On y ajoutait la variable « fait frette au Québec » (j'ai eu l'idée à l'approche de novembre); le défi me tentait trop pour que je choisisse de ne pas de le relever.

Alors un matin, j’ai paqueté trois sacs de linge, un peu de bouffe et de vaisselle, des bottes de rechange, un oreiller-sleeping-couvertures de polar, mon laptop, quelques livres et un sac de trucs de douche. J’ai mis ça dans le coffre de ma Dodge Neon, baissé le chauffage de mon appart, barré la porte et je suis partie.

Voilà donc comment je me suis retrouvée, après un dîner sur un banc de parc, à laver ma vaisselle dans la salle de bain d'un des seuls endroits où on peut entrer gratuitement dans une ville. La bibliothèque : eldorado des âmes errantes.

***

Avant de commencer l'expérience, je savais que j’allais trouver le mois pas mal long. En même temps, novembre, tout le monde trouve ça long : ça allait me faire quelque chose d'autre que la grisaille ambiante à quoi penser.

Et finalement... novembre a passé tout seul. 

J’ai constaté que quand on vit dans son char, les moments les plus pénibles sont ceux où on n’a rien à faire. Quand tu veux juste relaxer, dans ton appartement, il y a plein d’options. Quand tu veux juste relaxer dans ton auto et qu’il fait froid… c’est un peu moins le fun après une demi-heure, mettons.

Dans ces périodes vides (par exemple un mardi soir de 21h à minuit), je me retrouvais souvent à lire dans un Tim Hortons, l'un des seuls endroits où tu ne te feras JAMAIS kicker dehors (le second eldorado des âmes errantes, donc).

Découverte : quand tu lis la dernière édition de Wired en têtant pendant 3h le même café trop sucré assis à la table d’un Tim, ta vie te semble un peu dull, même si pourtant tu serais en train de faire à peu près la même chose dans ton appart sans te trouver dull.


Peut-être est-ce le regard éteint du caissier qui n’en peut plus d’endurer les blagues des gentlemen du quartier? L’odeur des roussettes qui stagnent derrière la vitre du comptoir depuis pas mal plus longtemps que le recommande le guide des employés? La lueur des néons qui éclaboussent la face d’une fille clairement gelée, entrée dans la place depuis 1h sans avoir rien commandé? LA PUB DES NOUVEAUX BEIGNES À SAVEUR OREO QUI TOURNE EN BOUCLE?

Dull, bref.

Par contre, j’ai réalisé que ces moments oisifs m'arrivent assez peu souvent : je passe pas mal mon temps à entretenir un agenda malsain qui me fait courir du travail à chez une amie à un café à une réunion au gym (ok non) à un bar, etc. 

Et quand tes journées sont loadées, l'endroit où tu dors a finalement peu d'impact sur le déroulement de celles-ci.

Même qu'à la limite, tout avoir dans son char, ça facilite la vie, côté voyageage. Une invitation à dormir chez quelqu’un? Une randonnée en montagne à la place d’un film au cinéma? Un road trip surprise? Pas de trouble, même pas besoin de repasser chez soi, on a tout ce qu'il faut dans son auto. TOUJOURS. 

Mon ostracisation sociale a donc été moins pire que ce que j'imaginais, mais soyons francs : la petite routine de la vie était effectivement pas mal plus compliquée que dans un appartement. Pour la douche, avec un abonnement dans un gym et en s’y prenant un peu d’avance, on s'en sort.

Pour manger… c'est un peu plus drabe. Ok oui, on peut se faire des sandwichs froids, manger des fruits et des barres tendres, mais à moins d'être très motivés, on tourne vite en rond. Le plus élaboré que j’aie réussi à préparer, c’est un chili végétarien, grâce au micro-ondes de la cafétéria à ma job. Pis c’était assurément pas du Ricardo.

Mais la question logistique qui revenait le plus souvent, lorsque j'ai commencé à dire aux gens que j'avais vécu dans mon char un mois, c'était : tu dormais où? 

Indice : pas dans le parking du Walmart. 

À suivre...

Crédit photo: Marie Lemonnier

Le centre d’achats du mois : le Faubourg Sainte-Catherine

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Même la porte d’entrée a le mérite d’être réaliste : ici, y’a pas personne qui, historiquement, a fait plus qu’UN achat. 


À première vue fabuleuse, l’affiche d’accueil du sous-sol s’avère également fort trompeuse. Non seulement y’a pas de wi-fi, ni de toilettes, mais, en plus, y’a juste un escalier roulant et, considérant qu’on est au sous-sol, il serait très surprenant que le troisième étage soit en bas.  


Sans oublier le Scoops qui, lui aussi, semble avoir des gros problèmes à exister… 


Heureusement, le Movieland, lui, pète le feu grâce à sa décoration inspirée. Le carton des caisses de papiers d’impôts s’agence à merveille avec le métal du panier d’épicerie et avec le rose toilé qui, de son côté, offre un magnifique contraste avec le grisâtre brut des tuiles du plancher. 


À la fois morcelée, triturée et déchirée, la toile rose offre des possibilités esthétiques infinies à quiconque sait la manier avec originalité et délicatesse.



Pas d’argent pour acheter un autre pot à fleurs ? 

La solution : un pot de yogourt.


La logique des prix est épatante chez Movieland. Alors que l’offre de Blu-ray à 2,99$ bat son plein dans tout le magasin, on est en droit de se poser des questions sur le prix de cette vieille cassette, pas de pochette, du Roi Lion.


Comme d’habitude, on est aussi en droit de se poser des questions sur la carrière à François Massicotte.


L’épopée se poursuit au rez-de-chaussée. 

Au lieu d’attendre après les clients, le Saint Cinnamon prend pas de chances et ferme sa caisse assez vite dans la journée. Décision avisée.


Pourtant, le spécial déjeuner à 4,95$ collé 48 fois avec du tape sale avait du potentiel.


En se promenant à travers les corridors du Faubourg, on se rend compte que, si y’a ben une affaire qu’on peut pas faire ici, c’est bien du magasinage. 



À moins de vouloir acheter une passoire turquoise, évidemment.


Fans de planchers décalissés, vous serez servis ici, dans les multiples «allées» de ce centre «commercial».


Quatre sortes de revêtements en six mètres… Qui dit mieux ?


Au moment où on pense avoir tout vu, on traverse une petite porte secrète à l’extrémité du centre et on arrive ici : drette dans la tête de Marc Dupré. 


«Ça fait au moins une dizaine d’années qu’y a pu rien ici !», explique un agent de sécurité, à deux pas de la face de Marc Dupré. «Tu devrais faire comme tout le monde pis aller au Centre Eaton.»

Rapidement, on se rend compte que cet agent de sécurité ne s’est probablement jamais promené au deuxième étage : lieu festif où la notion de party se redéfinit constamment. 


Ça promet.


LA question ultime : qu’est-ce que ça prend pour organiser un VRAI party réinventé ?

Très simple : des colliers, des tubes, des chandails et des vestes à capuchon.



En fait, le magasin est tellement su’l gros party tout le temps qu’il en vient même à perdre l’usage de son français. 


Le reste du deuxième a trois attraits principaux, à ne pas négliger : des chaises, une table et une poubelle.


De son côté, ce tailleur de vêtements pour femmes a de la difficulté à écrire son nom de façon uniforme.



Le moment tant attendu : l’arrivée à la renommée foire alimentaire du troisième étage, reconnue pour sa tangente internationale et, particulièrement, pour le Yuki Ramen qui, semble-t-il, vaut le détour. 

Un décor simple, lumineux, épuré, tapissé d’éléments botaniques et de caméras de surveillance.


Rapidement, ce design Word Art dernier cri attire l’attention.


Se dépêcher à manger de la fondue chinoise : nouvelle tendance culinaire 2015 ?


Des fleurs en plastique autour d’un arbre empoté : nouvelle tendance florale 2016 ?


Juxtaposer des plantes suspendues à des éléments de conciergerie : nouvelle tendance déco 2017 ?


Ça : telle affaire 2018 ?


D’ailleurs, c’est qui ce «monde»-là ?


En passant les portes à l’extrême gauche de la cour alimentaire, on trouve enfin l’entrée officielle du Dollarama. Modeste mais efficace.


En terminant : admirons, tous ensemble, la beauté de cette porte délabrée qui, sans surprise, ne mène nulle part.


À quand la démolition complète ?


Les paris sont ouverts.

Dehors novembre : Une Neon dans la nuit

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Camille a passé un mois à vivre dans sa voiture. Pour lire la première partie de son expérience, c'est par ici.


Ce qui est vraiment difficile, c'est de trouver un bon endroit où parquer son auto.

Avant de partir vivre un mois dans mon char, j'ai lu quelques blogues d'Américains qui vivaient ainsi. Certains sont un peu yolo et se stationnent à peu près n'importe où, et ça semble souvent marcher. Mais comme je n'avais personnellement pas tellement envie de me faire réveiller à 3h du matin par un policier qui me croit en détresse ou par un banlieusard pas content que je dorme devant sa maison, j'ai décidé de m'isoler et d'aller dormir dans des rangs de campagne. Si y a un endroit où t'as la paix, c'est bien dans un cul-de-sac dont le nom commence par « chemin ».

Alors le soir, une demi-heure avant d'être prête à dormir, j'ouvrais Google Maps et je me repérais un secteur pas trop loin de l'endroit où je me trouvais, qui comportait deux ou trois chemins sans issue. 

Des fois ça allait comme un charme : le premier chemin visité était un cul-de-sac tracé entièrement sur une terre à bois inutilisée en hiver. Personne à l'horizon, juste de la grosse forêt. La joie. 

Des fois c'était... un peu moins simple. 

Vous avez probablement remarqué que, rendu à une certaine profondeur dans le Québec régional, la camionnette de Google Maps a abdiqué. Dans ce monde où tu peux te promener virtuellement dans les capitales de tous les pays, il est toujours IMPOSSIBLE de savoir à quoi ressemble tel rang creepy à 5 km de chez toi sans te rendre sur place.

Ce genre d’incertitude peut évidemment vous chambouler une fin de soirée, vous vous en doutez bien.

À ma toute dernière nuit dehors, je me suis dit que je me ferais plaisir : j'allais retourner dormir dans mon meilleur spot du mois, une terre à bois justement, à 12 minutes d’auto de l’endroit où je me trouvais. Ça semblait super simple comme plan, je n'aurais pas à chercher, donc je suis partie assez tard, à minuit quelques. J'étais fatiguée, j'avais hâte d'arriver. 

Une fois sur place, petit problème. Ç’a l'air que finalement, elle est utilisée l'hiver, cette terre à bois. De grosses traces de pneus marquent le chemin, et la barrière dans le fond est ouverte. Fuck. Je ne veux clairement pas de bûcheron suspicieux qui rôde autour de mon char : demi-tour, je sacre mon camp avant de découvrir qui vient ouvrir la barrière d’une terre à bois en pleine nuit un vendredi soir. J’veux pas le savoir, pis encore moins le voir.

De retour sur la grande route, je prends mon cell, scanne les alentours et je repère deux autres chemins potentiels proche. Ça va.

Je me rends donc jusqu'au premier, le rang Warner. Pratiquement rien tout le long, et dans le fond, un club de tir. Ça doit pas être ouvert l'hiver ça, hein Google? 

Sur la page d'accueil du site, en rouge : « Nos installations sont ouvertes toute l'année 7 jours sur 7 de 7h00 à la noirceur! »

Le point d'exclamation à la fin là. Faites-moi pas croire que c’était pas pour me narguer.

Si les services gouvernementaux prenaient exemple sur ce club de tir, la vie serait simple en tabarnouche, que je me dis en fixant mon écran. Mais un peu de focus : je peux pas dormir là, les gens vont arriver tôt le lendemain matin, je risque d'être encore là, ils vont avoir des guns en plus, non, c'est pas une bonne idée.

Bon. Option deux, le chemin Laporte. Une fois sur place, le chemin… n'existe juste pas. Mes yeux se promènent entre le fossé frette et Google Maps qui me promet monts et merveilles si je tourne à droite. Un autre classique. 

Ma fatigue se transforme tranquillement en exaspération, et je me me rends compte à ce moment que je roule depuis un bout dans un brouillard de malade. À travers les brumes, je distingue une pancarte : 

Bienvenue à Ascot Corner. 

Blackout. On dirait que c'était ce qui me manquait pour laisser tomber mon optimisme et basculer dans un mode franchement désagréable. Je chiale après les arbres, le ciel et les vaches, je tourne sec, je maudis les dieux et je monte le volume de ma musique.

Je commence à ressembler à un danger public, mais y a pas grand monde sur les routes de campagne à 1h du matin, que je me dis.

Alors que j’enfonce un peu plus l'accélérateur, un chevreuil décide de se pointer la face comme pour me rappeler qu'on est toujours un peu into the wild, jamais complètement seul.

Oubliez les lions et les serpents; le chevreuil est l'animal qui fait monter l'adrénaline du Québécois moyen le plus rapidement. Je slamme les breaks, mon Thermos plein d’eau bouillante revole de la banquette arrière et vient s’écraser dans mon dos, le chevreuil s'enfuit dans le champ comme un perdu, je shake dans mon char, dans la brume, à Ascot, 1h du matin, Karma Police qui joue dans le tapis.

La vie, les amis. La vie.

***

Roulant à 30 km/h le temps de me calmer, je repère deux autres culs-de-sac. Je passe devant le chemin Larochelle, qui n'est pas entretenu en hiver -- une pancarte l'indique à l'entrée. Comme mon sens critique s'envole précisément à 1h15 AM, je l'essaye quand même. À mi-chemin, je me rends compte que ce n'est pas tant une route qu'une trail qui traverse le champ d'un agriculteur. On voit bien sa maison, d’ailleurs. Suis-je en train d'embourber ma Neon en pleine nuit sur le terrain de quelqu'un? Je pense ben que oui. Pendant que je spinne dans la bouette et la slush, j'invente l'histoire que je raconterai au gars du CAA s'il accepte de venir me secourir dans un chemin fermé. MAIS, mon char étant doté d'une bonne volonté surprenante, je m'en sors avant d'avoir eu à faire l'appel fatidique.

Petite note au cas où c'était pas clair : à ce moment, j'étais un peu à bout.

Je roule vers un dernier cul-de-sac. Celui-là sera le bon, pas le choix. 

Je vais au fond du rang. Y a un petit carré dans lequel sont parqués deux vieux chars enterrés sous la neige, et une espèce de grosse machine agricole. On dirait une cour à scrap artisanale. 

Fuck off. Ma chambre est une cour à scrap, pis ça me dérange même plus. Je me stationne, je me change et me glisse dans mon sleeping sur la banquette arrière. Avant de m'endormir, je regarde par les fenêtres... pis je réalise que la maison la plus proche est ben ben proche.

(Il s'agit d'un bon moment pour vous dire que le seul défaut des campagnards que j'ai de la misère à trouver adorable, c'est celui de se lever exagérément tôt. Je trouve qu'il est inhumain de commencer à travailler avant 10h, mais eux, ils se lèvent parfois à 5h30 pour aller promener le chien, PIS C'EST BEN NORMAL. Anyway.)

Tant pis, ils me réveilleront, ils appelleront la SQ, ils pèteront mes vitres de char. Je suis dans ce bel état esprit, quand on est tellement fatigués que le monde pourrait nous exploser dans la face qu’on dormirait quand même. Fait que plantation de pot, entrepôt de voitures volées, QG d'un gang de rang... Peu importe où je me trouve réellement, je m'endors en deux secondes et quart.

***

Le lendemain matin, je me réveille. Les volutes de Radiohead se sont tues, le silence règne. Je sors doucement de mon auto, et je la contemple, maintenant enterrée sous la neige comme les autres.

Je suis incognito dans une cour à scrap maison, à deux pas d'une bâtisse non identifiée, au bout d'un rang cahoteux. Pis la seule chose à laquelle ça me fait penser… c’est que ça serait un pas pire endroit à réutiliser.

Comme quoi on finit par se sentir chez soi un peu n'importe où, j’imagine.

À suivre...

Les mauvaises idées d'Éric : 40 onces de chocolat chaud

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Lundi, 13h, deuxième étage du Marché Jean-Talon. 

Oui, il y a un deuxième étage au Marché Jean-Talon. C'est là qu'ils tournaient les Kiwis, avant. Maintenant, c'est là que se situe la cuisine de La Tablée des chefs, un organisme qui donne des cours de cuisine à des enfants défavorisés et qui redistribue les surplus de restaurants à des familles dans le besoin. A priori, des bonnes personnes. 

Pour ramasser des fonds, ils se sont associés à une compagnie de chocolat, Valrhona, et à 22 restaurants, cafés et pâtissiers du grand Montréal pour organiser La Grande Tournée du Chocolat Chaud, en fin de semaine (le 17 et 18 janvier 2015). Le concept est simple: les établissements ont créé des recettes de chocolat chaud spéciales pour l'événement, qu'ils vendront 3$. 50¢ par boisson sera versée à la Tablée. Jusqu'ici, tout va bien. 



Sauf qu'on est lundi, et que je suis au Marché Jean-Talon, à l'événement de presse. On a invité des médias et blogueurs à venir déguster vingt des créations originales pour la fin de semaine. 

Et j'ai eu la mauvaise idée de prendre ça pour un défi. 

20 échantillons de 2 onces chacun de chocolat chaud fancy. Je devrai tous les finir, même ceux qui ont des guimauves ou de la crème fouettée. 

Go. 



Ça commence rough. Le Point G est parti d'un chocolat à 69% et y a ajouté un petit kick: dans la boule de chocolat noir qu'ils mettent dans la tasse, il y a de ces bonbons qui explosent en bouche. Résultat: un chocolat chaud pétillant. Ça saisit. On continue. One down, nineteen to go.


Du chocolat chaud au chai avec une mousse de lait de coco et du zeste de lime. Nice. 


Ici, ils ont mis des noisettes pralinées. 


Chez Geneviève Grandbois, ils font leur propre miel, qu'ils ont utilisé pour sucrer le chocolat chaud, en plus d'ajouter une guimauve au miel dans le mix. Ça se passe toujours bien. 


Deuxième guimauve du projet, celle-ci à la cardamome. C'est vraiment l'épice à l'honneur cette année, on dirait, parce qu'il y en avait presque partout. 


À la Folie, eux, ont décidé d'exagérer. Le chocolat est déjà bien riche et crémeux... et leurs guimauves (encore!) sont nappées de caramel régulier et de caramel d'érable. 

Rendu là, je commence à filer moyen. Je suis rendu au neuvième, soit 18 onces (530ml) de chocolat chaud, et pas le moins riche. Déjà, ce matin, j'ai plus ou moins déjeuné (deux cafés, ça compte comme un déjeuner, je pense). J'ai chaud et je suis étourdi. Je n'ai pas encore passé la moitié. 

Un verre d'eau glacée me semble une excellente idée. Avant tout, je me fais happer par le dude de Fous Desserts qui a décidé de ne pas faire comme tout le monde et de faire une infusion de grué de cacao. 


La minute éducative
Voyez, le chocolat, c'est fait avec du cacao. Le cacao, ça pousse dans une cabosse (la grosse affaire que vous voyez en haut). Dans la cabosse, il y a des fêves (les trucs qui ressemblent aux amandes, dans le milieu), et quand on ouvre les fêves, on trouve le grué, et c'est avec ça qu'on fait le chocolat. Normalement. 

Mais lui il a décidé d'en faire une infusion. C'est léger et ça fait du bien. 

J'ai quand même envie du plus grand verre d'eau de la Terre. 

C'est alors que commence le discours du monsieur de Valrhona et de la madame de La Tablée, en même temps qu'un « sympathique » waiter me tend une assiette avec des petits gâteaux. « Financier au grué ou petit gâteau ananas et chocolat blanc? », me chuchote le sadique personnage. Fidèle à l'esprit du défi, je prend un de chaque. À part les guimauves, c'est la première nourriture solide que je mange depuis les tacos de la veille. 

Je finis par me rendre à la table aux pichets d'eau. 


Les gâteaux sont revenus là-bas. Je commence à me dire que le gars a juste fait une tournée pour en offrir aux pauvres gens qui manquent de jugement comme moi. Je le trouve d'autant plus sadique. Ils étaient vraiment bons, tho. 

Retour à la tâche: 


Le Ritz-Carlton ne fait pas les choses à moitié, avec un chocolat 70% au poivre des Dunes et à la fleur de sel de Camargue. C'est délicieux et juste assez relevé. Je trouve que trop peu de gens se sont donnés la peine d'ajouter du piquant dans le mix, alors que tout le monde sait que le chocolat au piment fort est une des meilleures choses qui existent. 

...avec le chocolat aux framboises. (Je ne comprendrai jamais les gens qui n'aiment pas les framboises. C'est comme ne pas aimer les couchers de soleil, ou le son du rire d'un enfant au printemps.)


Chez Laloux, ils se sont gâtés sur le terroir. Chocolat. Épices chai. Guimauve au sapin (!). Nice shit. 

Je commence à être étourdi. 

Soyons clairs: je savais que c'était une mauvaise idée à la base. Mais c'est à peu près rendu là, au douzième, que j'ai saisi l'ampleur de la chose. 

Ça ne pouvait pas bien se terminer. 


Le suivant offre un format plus petit, mais plus concentré. "Des shooters", dit-il, sauf qu'il recouvre le tout de mousse de lait, alors ça revient pas mal au même. 


Mention spéciale à Miss Choco, qui était sur Skype tout au long de l'événement, ne pouvant pas être présente sur place parce qu'elle était encore au Brésil en train de magasiner du cacao. Y'a pire, comme job, je trouve. 


Pas de file à Juliette et Chocolat, pour une fois. Mais ces hosties-là m'ont tué raide. Du chocolat chaud aux framboises, ça va. Mais la crème fouettée, elle aussi aux framboises (notez la sympathique bien que traîtresse teinte rosée) a assez rapidement transformé ce délice onctueux en sueurs et quelque chose qui s'apparentait à de l'arythmie cardiaque. 

Ça commençait à faire beaucoup, mettons. 


Un hostie de praliné avec une hostie de guimauve. Je commence à suer abondamment. 


Du christ de chocolat blanc avec du lait chaud, c'est rendu de la torture tout simple et délicieux. 


Et parce que je suis inconscient et que je ne réfléchis pas avant de faire les choses, j'ai gardé le grand chef Patrice Demers pour la fin. 


D'ailleurs, tous ceux qui participent à la Grande Tournée courent la chance de gagner un atelier de pâtisserie avec m'sieur Demers. C'est chic, quand même. 

Il est 14h30 et ma mission est accomplie. J'ai bu vingt verres de deux onces de chocolat chaud en à peine une heure et demie. J'ai les mains qui tremblent depuis une demi-heure. J'ai chaud, j'ai la tête qui tourne. 

De retour au travail, mes collègues trouvent que j'ai l'air saoul. Je pense que mon corps ne comprend tout simplement pas ce qui se passe. Je suis au-delà du sugar high : je suis rendu sugar drunk

Je quitte le bureau en ayant rien accompli de grandiose pendant les deux dernières heures. Arrivé chez moi, je réalise que je n'ai toujours rien mangé depuis le souper de la veille. Pourtant, je suis loin d'avoir faim. 

Mon foie commence à me lancer des signaux plus ou moins agréables. (Pense « pic à glace dans le flanc », ça va te donner une idée.) 

Heureusement, j'ai du Perrier au frais. J'en cale une bouteille d'un litre. Ça ne s'améliore guère. 

Je n'ai pas dormi, cette nuit-là. Ou peut-être ai-je somnolé quelques heures, quand je n'étais pas en train de respirer vite pour essayer de ne pas mourir de soudaine déficience hépatique. Le lendemain matin, je me sentais presque comme un lendemain de veille et je me suis dit que Chocolate Hangover ferait un bon nom de band. 

Verdict: 40 onces de chocolat chaud en 90 minutes, c'est un peu comme 40 onces de quoi que ce soit en 90 minutes: une très, très mauvaise idée

Alors allez participer à la Grande Tournée du Chocolat Chaud en fin de semaine, mais de grâce, avec modération.

S'il y avait un organisme qui s'appelait Éduc'Choco, je serais sur sa black list. En attendant, je ne veux pas voir de chocolat, chaud ou pas, avant un bon petit bout. 

 


Dehors novembre : Les angles morts

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Camille a passé un mois à vivre dans sa voiture. Pour lire la première partie de son expérience, c'est par ici. Et la deuxième, ici


J'avais expliqué mon plan à trois amis trop proches de moi pour qu'ils ne se rendent compte de rien, mais pour les autres, famille, collègues, amis, c'était motus et bouche cousue.

Je l'avoue, j'ai dû user de quelques mensonges inoffensifs. « Pourquoi je prends ma douche au travail après un chiffre qui finit à 22h? L’eau chaude est brisée chez nous, c’est tu plate! » « Pourquoi j'ai un sleeping bag et de la bouffe dans ma valise? Je suis allée en camping d'hiver l'autre jour, pis tu me connais, je suis lâche, j'ai rien rangé! »

Mais sinon... personne ne s'est rendu compte de quoi que ce soit. 

« Wow! Ça prouve vraiment qu'on n'est pas attentifs à ce que les gens nous disent vraiment, et à ce qu'ils vivent mais ne disent pas », m'a fait remarquer ma mère quand je lui ai expliqué l'expérience que j'avais faite.

Elle a bien raison, dans le fond. On remet rarement en question les informations que les gens nous donnent. On ne fait pas toujours de recoupements entre les deux ou trois détails louches qui, accolés ensemble, révèlent une réalité.

Et mon comportement avait quand même quelque chose d'un peu étrange, pour quelqu'un qui porterait attention aux détails. Dès que j'étais chez quelqu'un, je me pitchais sur une prise pour recharger mon téléphone. Soudainement, j'allais au gym tous les matins. Je déjeunais en arrivant au travail plutôt qu'avant. 

Mais quand même, rien de si bizarre. Rien pour se dire « Oh my god, c'est limpide, elle doit vivre dans son char ».

Parce que quand tu restes dans les angles morts, personne ne te voit. On fait tous des trucs un peu ridicules quand on est sûrs que personne ne peut nous observer, et effectivement, personne ne s’en rend compte. Vivre dans les angles morts, c'est aussi possible, faut juste savoir où se mettre.

J'ai trouvé ça rassurant, dans une société où on a de plus en plus le sentiment d'être épié en tout temps, de savoir qu'on peut fuir cet œil omniprésent qu'est celui de notre entourage aussi facilement. Qu'on peut cacher quelque chose d'aussi gros relativement aisément. Instagram sait ce que je porte, Facebook sait comment je me sens, Twitter sait ce que je lis, mais y en a pas un maudit qui sait où je dors ce soir.

À l'inverse, ça veut aussi dire que notre entourage peut nous en passer des pas pire sans qu'on le sache. 

Depuis novembre, je me dis : peut-être que ma mère est en fait une espionne suisse undercover. Peut-être que ma meilleure amie a le cancer et qu'elle se fait traiter une fois par semaine en cachette. Peut-être que mon voisin a une aventure avec Scarlett Johansson une fois par année, tous les 3 octobre.

Hautement improbable, oui. Mais c'était pas tant probable que je vive un mois dans mon char non plus. 

***

Avant de quitter mon appart, j'avais quelques inquiétudes concrètes (peur d'avoir froid, de mal dormir, de devenir dysfonctionnelle), mais aussi une peur assez marquée de quelque chose de plus insaisissable; la peur que mes amis, collègues, me trouvent weird quand ils apprendraient ce que je faisais, weird à un point de n'être plus trop sûrs que c'était une bonne idée de me garder dans leur carnet et contacts.

« Ben voyons, c'est un peu absurde! Comme si les gens t'aimaient parce que tu as un appart, et que si tu n'as plus d'appart, pouf, ils ne t'aimaient plus! » me disait un ami à qui je faisais part de mes inquiétudes.

Oui, mais non. Je sais bien que les gens ne m'aiment pas pour mon appart. J’ai un 2 et demie meublé grâce au bord du chemin. Quand j'invite plus d'une personne chez moi, je dois commencer à quêter des chaises aux voisins. Mettons que ce n'est pas une maison de campagne avec spa.

C'était plus la perception du mode de vie qui me faisait peur.

Après l'expérience, donc, j'ai commencé à dire aux gens qui m'entouraient comment j'avais vécu au courant du dernier mois.

Mon ami avait raison : ils semblaient pas mal plus curieux que scandalisés. Je me suis fait poser plein de questions.

- Ça permet d’économiser?
- À long terme, pas vraiment, je pense. Mon loyer n'est pas très cher, et je compensais pas mal en prenant plus de gaz et en mangeant un peu plus au resto. Il me fallait aussi un abonnement au gym pour la douche.

- Qu'est-ce qui te manquait le plus?
- Un endroit à moi où je pouvais dessiner en bobettes en me faisant des café Baileys. Sans aucun doute.

- Est-ce que tu penses laisser ton appart et vivre comme ça de façon permanente? (Ma mère m’a réellement demandé ça.)
- Absolument pas.  

- T'as pas eu froid, la nuit? 
- Non. Le truc ultime : un thermos plein d’eau bouillante que tu transfères dans une gourde style Nalgene au moment de te coucher. Tu la mets dans le fond de ton sleeping, et magie, t’as un chauffage à l’eau chaude.

- As-tu eu des bad luck? 
- Un iPhone, dans le froid, ça s'éteint, à moment donné. À en croire mes amis, j’étais la seule sur terre à ne pas le savoir – c’est mon premier hiver dans le camp Apple. En tout cas, ça fait pas un réveil matin super efficace, quand tu le laisses sur la banquette avant de ton char. Conseil : le mettre dans son sleeping.

- As-tu fait un apprentissage scientifique? 
- Du savon à linge, ça gèle. Du liquide à verres de contact, non, mais ça devient froid en simonac pour l'œil.

- Y a-t-il un beau moment dont tu vas te souvenir? 
- Le soir avant de m’endormir je mettais du Georges Brassens sur mon iPhone et je regardais par la fenêtre. Une fois j’ai vu deux chevreuils se promener à quelques mètres de mon char : un spectacle un peu plus joli que le transformateur que je vois normalement par la fenêtre de ma chambre.

***

C’est le matin, j’ouvre tranquillement les yeux, les vitres de mon auto sont recouvertes de buée. Je trace un petit rond dans celle-ci et je regarde dehors : les chevreuils sont partis.

Mon iPhone crachote une chanson pour me réveiller.

Ma liberté
Longtemps je t'ai gardée
Comme une perle rare
Ma liberté
C'est toi qui m'a aidé
À larguer les amarres
Pour aller n'importe où
Pour aller jusqu'au bout
Des chemins de fortune

Je sors de mon sleeping chaud et je me rhabille dans l’air froid en linge portable en ville. Je me catapulte sur le banc de devant, et je démarre doucement l’auto.

Je regagne la route principale. Les mots de Moustaki me hantent; je pourrais bien tourner à droite, partir à l’aventure drette là, et ne jamais revenir : j’ai toute ma vie, dans ma Neon. Personne ne sait où je suis.

Mais ma main s’écrase sur le bras du flasher, je tourne à gauche, et je roule. Direction la ville.

Je roule dans l’aube, étrangement déçue de mon choix.

***

Épilogue : Je suis rentrée chez moi à la fin du mois, j’ai remonté le chauffage et dépaqueté mon auto en 15 minutes. 

Mon thermos est sur mon comptoir, mon sleeping dans l’armoire, mon linge de retour sur ses cintres.

Et ma liberté est encore sous le banc de mon char. Après tout, il n’est jamais stationné bien loin.

Le Salon de l’amour et de la séduction : entre coquineries, sadomasochisme et jeu sexuel douteux avec une balloune

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Certains y vont pour l’amour, d’autres pour la séduction, mais le plus important là-dedans, c’est d’éviter de se tromper de bord et de se ramasser au Salon de la franchise.


Mine de rien, si ces deux personnes-là s’étaient pas sacrés devant l’objectif, ça aurait fait une pas pire photo d’ambiance générale.


Drette en rentrant à gauche, une dame explique, pendant de longues minutes, le fonctionnement de l’enveloppeuse, genre de stimulateur manuel masculin qui enveloppe le pénis avec délicatesse. «Si vous voulez être fine fine fine avec votre homme, vous pouvez lui faire la job avec l’enveloppeuse et aller la laver, à sa place, après l’utilisation. Après ça, vous allez voir : vous allez avoir ce que vous voulez, une sacoche par exemple», dit-elle, avec une surprenante candeur.


Rapidement, ce kiosque attire l’attention, grâce à son incroyable nom.


Chez O My Gode Michou, on trouve exclusivement des constructions artistiques de pénis. 



Plus-value notable : certaines ont un côté pratique, à ne pas négliger.


Beaucoup de cossins dispendieux gisent à travers ce mythique Salon. Parmi les tendances dernier cri qui SUCEcitent l’engouement, le Spinning Fantasy Swing offre, à qui veut bien saisir le jour, une occasion en or : celle de fourrer dans les airs. 


Même si la plupart des salonneux se doutaient bien qu’ils allaient en voir, peu pouvaient se douter que ces fameuses friandises chocolatées en forme de parties génitales allaient être, cette année, ornées d’une étiquette créée à partir de la fameuse composante WordArt. 

Fou infographie.


Du métal, des cordes, des chaînes pis des béquilles. Bref, un kiosque complet.


Les amateurs de tendresse ne sont pas en reste avec l’implantation de ce comptoirs à câlin (sic). «Si les gens recevaient un câlin chaque jour, y’en aurait pu de dépression», évoque avec une pureté insatiable l’un des préposés.


Les offres promotionnelles se bousculent tellement au Salon que les commerçants ne se forcent même plus pour essayer d’écrire des affaires qui ont de l’allure. 


Ne manquez surtout pas cette offre !!!!!!!!!!!!!


Le bargain de 2015, à date : 11$ la canette de liqueur.


Ça s’appelle du savon.


Dans la salle de conférence, le sociologue Frank Mondeose use de son français approximatif pour nous en apprendre un peu plus sur l’approche sexuelle tantriste, essentiellement basée sur l’équilibre et l’harmonie de la polarité sexuelle. «Il y a différents types de respiration pour faire partir notre énergétique vitaux», dit-il, quatre doigts dans les airs.


Indissociables à l’orgasme tantrique, ces respirations doivent être correctement exécutées et, en tant que bon professeur, ouvert à partager son savoir, Frank nous en offre un exemple. 


À donner en cadeau prochainement à Frank : Antidote.



Plus tard, la psychologue Dr. Laurie Betito s’amène pour donner la conférence franglaise Better Sex Après 50, un exposé visant à défaire les mythes sur la sexualité chez les personnes de 50 ans et plus. «Les hommes, si vous êtes encore vivants après 80, allez vivre dans une résidence. Là-bas, c’est un gars pour dix filles !» dit-elle, quatre doigts dans les airs.


Comme tout le monde, Laurie sait que le format de type «feux d’artifices» est, de loin, le plus nice sur le Power Point de Windows XP.


En primeur, voici les personnes les plus coquines à avoir été aperçues lors de cette 21e édition du Salon de l’amour et de la séduction ! 



Photo croquée sur le vif, entre deux pognages de boules.


Époustouflant.


Un look de couple à tout casser. 


Moment de recueil mortuaire pour cet homme à la soyeuse chevelure blonde. Touchant.


C’pas mêlant : même le gars de Dans une galaxie près de chez vous était là.


La gang d’Escalade Québec aussi.


Insérez votre propre commentaire.


Gros skills de dépognage de nœuds ici, durant la performance judicieusement intitulée Attaché et aveuglé. Immense props.


Toujours sur la même scène, un grand prince s’exécute avec brio et magnificence sur une musique de type «P.O.D.». L’euphorie est à son comble, pis ça fait juste commencer.


Quelques secondes plus tard, on troque les hochets pour les fouets. Les deux personnes assises sur la scène ont visiblement le trip de leur vie.


Non loin de là, on tombe sur la portion de spectacle la plus édifiante de la journée/soirée. Afin de gagner un maximum de points, deux couples s’affrontent et doivent se péter des ballounes dessus en mimant les positions sexuelles de base, genre le doggy style et le missionnaire. 

Ce jeune couple formé il y a à peine un an s’exécute, tout d’abord, avec une difficulté enivrante. Extrait :


Puis, cet homme se lance furtivement sur sa femme avec la volonté bien féroce de remporter le concours. Malheureusement, ça va pas vraiment plus bien.


Qui remporte la palme ? Difficile à dire.

Chose certaine, beaucoup d’autres questions restent ouvertes ou, du moins, sans réponse un peu partout dans le Salon. En voici quelques-unes :




Tout ce mystère semble également s’implanter à travers certains kiosques qui, en y pensant bien comme il faut, ont aucun esti de rapport avec l’amour et la séduction.



Le plus gros dilemme de l’histoire : Orford ou les Caraïbes ?


La tête pleine de questions, on repart du Salon de l’amour et la séduction avec une certaine incompréhension latente, puis on repasse, un peu abasourdi, devant le Salon de la franchise, constatant, au passage, toute l’ambiance honnête et franche qui en émane.


C’est là qu’on aurait tous dû aller. 

Crédits photo : Olivier Boisvert-Magnen, Pollo et Pier-Luc Turcotte. 
Crédits vidéo : Olivier Boisvert-Magnen et Stéphanie Robillard
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